Le carnet de Sidoine - 71-11
« Le carnet de Sidoine », Messages du Secours Catholique, n° 224, novembre 1971, p. 2.
Le carnet de Sidoine
Dès que je somnole, ce sont des lecteurs - ou des lectrices - qui me réveillent. Et parfois vigoureusement. C’est un concours sans prix qui nous est ainsi apporté par toute notre famille de « Messages ». Et pour vous donner une idée de ce dialogue, je publie une des lettres envoyées à « Messages » à la suite de mon papier sur « Un dimanche chez les Perroquets ». J’en reste tout endolori. Mais pas guéri. Et tout fier d’avoir des lecteurs d’une telle qualité.
SIDOINE.
A propos du carnet
Monsieur,
La lecture de « Messages » ne m’est jamais une lecture agréable, je le reconnais. La raison en est fort simple : parce qu’elle secoue ma tranquillité et ma conscience ; elle m’ouvre les yeux sur ce que je ne sais pas de la misère humaine, ou sur ce que j’aimerais ne pas savoir. Mais s’il est des écrits particulièrement durs, à mon avis, ceux de Sidoine remportent la palme.
Notamment ce mois-ci dans le carnet intitulé : « Un dimanche chez les Perroquets ». J’avoue qu’il a soulevé mon indignation si fort que j’en prends la plume pour y répondre. Sans doute toujours en vertu de l’habitude de me sentir concernée par ce que je lis.
Car, oui monsieur, je l’avoue, je puise mes références humaines dans ce que je lis, dans ce que je vois, dans ce que j’ai appris à l’école, à la télévision, par ce que j’entends lire. Et j’ai la faiblesse de supposer que peu ou prou tout le monde en est là.
Vous-mêmes, monsieur, ne vous est-il jamais arrivé d’appuyer vos dires par autre chose que votre propre intelligence, votre propre réflexion ou vos propres expériences ? D’où tenez-vous donc voire métier (peut-être complémentaire) de journaliste, votre culture et même votre foi ?
Quand vous dites : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé », n’auriez-vous pas lu cela « quelque part ?
Citer des phrases, des lectures, c’est d’abord les avoir retenues parce qu’on y a donné son adhésion, ou au contraire parce qu’on les repousse ou tout simplement à titre d’information. Ce qui suppose déjà un léger effort de réflexion pas bien grand je vous le concède. Mais lorsqu’on se réfère à une pensée qui vous parait résumer ou éclaircir vos propres réflexions, l’interlocuteur a peut-être l’impression d’avoir affaire à un Perroquet... alors qu’il s’agit simplement d’un oiseau commun qui « emprunte » la voix d’un phœnix.
Reprenant votre article, permettez-moi d’y trouver plus simplement des enfants frappés par l’histoire d’un animal (et si vous aviez des enfants, vous sauriez l’intérêt que portent tous les enfants, pour ne pas dire l’amour, aux animaux) ; une famille qui s’intéresse aux problèmes du tiers-monde (tant de familles, à la table dominicale, ont des conversations si banales, si égoïstes, si médisantes même) ; des sapeurs-pompiers qui, s’élevant au-dessus de leurs petites délibérations ont fait « quelque chose », un acte de Charité gratuit... ; et un abbé plus porté de bonne volonté que de sens critique...
Mais en même temps, je reconnais le danger de cette télévision qui nous surcharge « d’impressions », des « à peu près » que nous faisons par manque de temps à plus ample documentation, du geste qui soulage notre conscience à bon compte et de la tiédeur de certaines messes.
Et quand vous parlez de fuir pour retrouver les bergers du Sinaï, n’avez-vous pas songé que les « perroquets » que vous citez font peut-être le même rêve... Débarrassés des chaînes (!) de la télévision, des journaux, des obligations sociales, familiales et de leurs responsabilités, ils seraient disponibles pour les étoiles, les saisons, les troupeaux...
En tous les cas vous saurez qu’au moins une lectrice a réfléchi à ces problèmes, qu’elle ne vous a écrit qu’une faible partie de toutes les cogitations qu’elle a élaborées.
S’il est bon que les chrétiens soient le sel de la terre, et quelques uns l’acide, je ne crois, pas qu’ils doivent être le vitriol qui blesse et détruit.
En conséquence, Sidoine voudrait-il tremper sa plume dans un peu plus de miel, juste ce qu’il faut pour que ses propos gardent de la saveur…
Sans rancune.
C. R.
Question 1
Que fait le Secours Catholique contre l’alcoolisme et contre la prostitution, et contre la drogue et contre la pornographie ?
Réponse
Le Secours Catholique n’est pas la police des mœurs. Il ne s’attaque pas à tous les problèmes. Il se limite. Mais il se limite à des actions positives en proposant des réalisations concrètes.
Il existe des Ligues organisées contre l’alcoolisme et la prostitution.
Le Secours Catholique entretient d’excellents rapports avec ces organismes et intervient en liaison avec eux dans les cas de misères provoquées par ces fléaux sociaux .
Question 2
Dans une revue missionnaire, je viens de découvrir un texte si remarquable que je vous le recopie en entier :
« Ne mettez aucun zèle, n’avancez aucun argument pour convaincre ces peuples de changer leurs rites, coutumes et mœurs, a moins qu’ils ne soient évidemment contraires à la religion et à la morale. Quoi de plus absurde que de transporter chez les Chinois, la France, l’Espagne, l’Italie oit quelque autre pays d’Europe ? N’introduisez pas chez eux nos pays, mais la foi, cette foi qui ne repousse ni ne blesse les rites ni les usages d’aucun peuple pourvu qu’ils ne soient pas détestables...
Ne mettez donc jamais en parallèle les images de ces peuples avec ceux de l’Europe. Admirez et louez ce qui mérite la louange. »
Voilà enfin, grâce à Vatican II, des directives exemptes de nationalisme et de triomphalisme. Mais pourquoi l’Église a-t-elle attendu 1971 pour tenir ce langage ? Sidoine pourrait-il nous expliquer ce retard ?
Réponse
Très volontiers. Votre admirable texte date du XVII° siècle. De 1659 exactement. Il a été rédigé par la Curie romaine, et sur ordre du Pape Alexandre VII (1599-1667), adressé aux missionnaires en Chine et en Extrême-Orient.
Question 3
Dans notre paroisse, que pensez-vous de la valeur d’impact de la projection du divin considéré en soi sur les réalités quotidiennes, en particulier dans les stratifications de la production laitière, aspect syndical inclus ?
Réponse
Meuh, meuh……….………………… 47 %
Brouh, brouh………………………… 31 %
Sans opinion………………………… 22 %