« Une école qui fait école »
"Une école qui fait école", MSC, n°217, mars 1971, p.14.
« Une école qui fait école »
Je voyage beaucoup. Ces derniers mois, j'ai visité tant de pays depuis le Nigeria jusqu'au Pakistan. Et plus je voyage, plus je crois à l'efficacité des petites actions précises.
J'ai beau écouter 36 discours : je ne vois pas leur traduction pratique. J'admire des « face à face » pittoresques : le lendemain les questions n'ont pas avancé d'un centimètre. On déballe devant moi des plans de dimensions mondiales : je cherche le résultat, et je ne rencontre que du vide.
Parce que le fleuve coule ainsi depuis cent mille ans. Parce que la mousson revient régulièrement à chaque printemps. Parce que depuis des millénaires les familles des Indes ou des Andes se transmettent leurs longues souffrances en héritage : devant cette humanité et son immense labeur, toutes nos belles phrases ne sont que vent qui passe.
Et parfois, dans un village, des enfants au regard plus clair, parce que quelqu'un s'y est usé à leur parler du ciel. Dans ce désert, cette tente où l'on parle encore du marabout qui jadis a su guérir l'ancêtre blessé. Dans la vallée, le souvenir du maître d'école qui, heure par heure jusqu’à sa dernière heure, apprenait le calcul et l'écriture. Cinq mille ans après, en Samarie, on se souvient encore du puits que Jacob a creusé.
Cela n'est pas du vent. C'est un travail de fourmi. Mais cela survit, ces petites actions modestes et précises.
Plus je voyage, plus je crois aux Micro-réalisations, si petites, au ras du sol...
J. R.