Un monde sans partage
Jean RODHAIN, "Un monde sans partage…", Messages du Secours Catholique, n° 246, novembre 1973, p. 2.
Un monde sans partage
Sur la lune désertique et désespérément vide, la télévision a montré le premier homme essayant ses premiers pas dans la cendre grise. Tout le monde s’est émerveillé alors. Et puis maintenant cela paraît déjà très loin. On n’en parle plus : c’était hier, mais c’est déjà oublié. Sur la lune, ce monde sans portage était un monde sans vie. Cela n’intéresse plus personne.
Par contre voici un détail vieux de mille six cents ans qui frappe toujours le public : ce manteau partagé par saint Martin.
La vie de saint Martin, évêque de Tours, a été toute remplie de voyages, de fondations, d’initiatives de toutes sortes. Le bon public ignore cette intense activité, mais malgré seize siècles d’éloignement, le public a retenu un détail : le manteau partagé. Il n’y a eu ni cinéaste, ni télévision pour filmer cet épisode. Mais les peintres et les sculpteurs ont toujours reçu des commandes leur demandant de représenter sur son beau cheval l’officier Martin coupant d’un coup de sabre son manteau pour le pauvre homme grelottant de froid. On retrouve cette scène représentée partout. Car le partage va droit au cœur. Il parle à tous. Une famille où on partage le repas reste le symbole de la vie.
Le Christ dans la pauvre auberge d’Emmaüs partage le pain. Les disciples le reconnurent à ce signe. Ils avaient cheminé longtemps près de lui sans reconnaître son visage. Ils avaient écouté tout en cheminant son long discours sans reconnaître sa voix. Et tout à coup, à l’instant du pain partagé, c’est l’illumination, c’est la révélation. Saint Luc en témoigne explicitement : « Eux-mêmes racontèrent comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain . »
Un monde sans partage serait un monde sans vie. Le Christ, celui qui est la vérité et la vie, c’est le pain partagé.
Jean RODHAIN.