Il était une fois...
"Il était une fois…", MSC, n°277, octobre 1976, p.1.
Il était une fois
Dans notre bon vieux pays de France, on voit régulièrement surgir d’aimables rêveurs venant vous proposer leurs solutions généralement géniales. Celui-ci est un sourcier méconnu, disponible pour le Sahel. Celui-là vient de trouver une équation mondiale permettant la répartition rationnelle du lait en poudre. Tel autre apporte une recette personnelle pour tripler les récoltes d’algues bleues afin de nourrir les Indes. Instinctivement je me méfie de ces merveilleux farfelus, et par peur d’être embarqué dans des nuages incertains, je me bouche les oreilles, j’ai tort. Car parfois ces rêveurs tombent juste. En voici la preuve.
Il était une fois... un cœur attentif aux misères cachées de la campagne. Il dénombrait dans certains villages le total de ces enfants « handicapés » qui végétaient - et vieillissaient - à l’écart des activités familiales. Pourquoi ne pas s’en occuper ? Il ne fallait pas créer un internat : ce serait les exclure de leur milieu. Il fallait leur apprendre à travailler suivant leurs capacités. Si on trouvait un vaste domaine pour les accueillir ? Si on organisait des circuits pour les reconduire chaque soir chez eux ? Si on trouvait un travail leur procurant un salaire ? Si on recrutait des éducateurs adaptés à cette catégorie d’infirmes ? Si on consacrait ces jeunes à l’élevage des animaux de la forêt ? Si on intéressait le public à une réalisation à grande échelle ?
L’idée était généreuse. Mais c’était le rendez-vous de cent difficultés à la fois. Cela ne s’était jamais fait. Cela touchait aux domaines de plusieurs administrations en même temps. Cela supposait des subventions considérables. Bref, ce merveilleux projet se présentait comme un véritable casse-tête accumulant les problèmes à résoudre.
Or, ce problème compliqué est aujourd’hui exactement résolu.
Si vous descendez vers le Sud-Ouest quittez la RN 157 avant Le Mans et faites le crochet par Connerré pour visiter Pescheray. Vous découvrez un majestueux château du XIV° siècle flanqué d’un extraordinaire colombier (le plus grand d’Europe). On s’attend à visiter une demeure historique. Et on découvre une fourmilière au travail. Parmi la variété de 97 hectares, voici partout des chantiers en activité. Ici on cultive des plantes médicinales. Dans ce parc on élève des sangliers. Dans cet atelier on travaille à la préparation des fleurs séchées. Tout le domaine est devenu un immense atelier agricole. Cinquante « handicapés » sont les artisans de cette transformation. La forêt est peuplée de biches et de cerfs. Les écoles viennent de toute la région conduire les enfants dans ce « parc de vision ». On y apprend la découverte de la nature. On y découvre surtout des jeunes qui ont repris le goût à vivre, à travailler, à réussir.
Certains sont séduits par le cadre de Pescheray. Cette architecture encadrée d’arbres séculaires est en effet remarquable. D’autres sont frappés par la solution exacte apportée à un problème en apparence insoluble jusqu’ici ces jeunes étaient littéralement abandonnés. D’autres enfin s’étonnent de la convergence de tant de réalisations : il a fallu qu’une donatrice lègue ce château. Il a fallu qu’un organisme assume ce risque. Il a fallu que pendant des années on multiplie des démarches administratives. Il a fallu chercher des responsables compétents pour animer cette histoire. Le grand souffle de la famille de « Messages » a poussé dans les voiles. Tous ces éléments ont contribué à faire réussir cette histoire extraordinaire.
Mais si on va au cœur de cette réalisation, si on cherche le secret de cette réussite, on trouve ici : une équipe qui a travaillé ferme.
Le travail. Il n’y a que cela de vrai.
Allez voir à Pescheray.
Cela vous reposera de tant de discours...
Jean RODHAIN