Les jeunes et l'apprentissage interculturel : les enjeux
Editions du Conseil de l’Europe
F-67075 Strasbourg Cedex
© Conseil de l’Europe et Commission européenne, février 2001
Généralement, les jeunes vivent leurs expériences très intensément et sont ouverts à toutes sortes de changements. Ils sont souvent dépendants sur les plans économique et social, et vulnérables aux circonstances environnantes. Ils sont aussi bien souvent les premiers perdants et les premiers gagnants des diverses évolutions qui affectent la société. Si l’on examine par exemple les taux de chômage en hausse en Allemagne, ou les miracles/désastres économiques en Russie, on constate que les jeunes bénéficient et souffrent de ces situations également. Les jeunes célèbrent la culture mondiale en bluejeans et dans des «Rave Parties». Ce sont eux les premiers à avoir escaladé le mur de Berlin. Ils étudient à l’étranger ou émigrent, ils franchissent les frontières légalement avec des passeports en règle ou illégalement, à l’aventure sur des bateaux de fortune. Aussi sont-ils plus ouverts aux processus d’apprentissage interculturel, plus désireux d’entrer en relation avec les autres, de découvrir et d’explorer la diversité.
Mais le fait que ces jeunes soient très différents et qu’ils vivent dans des circonstances très différentes, ne fournit pas toujours le cadre approprié à la mise en œuvre des processus riches mais néanmoins complexes de l’apprentissage interculturel. Lorsque l’on parle d’apprentissage interculturel et de travail de jeunesse, on parle de jeunes confrontés à la diversité et à la complexité de leurs antécédents; cela implique donc de devoir confronter des choses en apparence contradictoires. Dans ce qui suit, nous présentons quelques tendances générales basées sur notre expérience du travail de jeunesse, ainsi que sur les résultats de recherches sociologiques et relatives à la jeunesse. N’oubliez pas qu’il s’agit d’orientations qui peuvent ne pas s’appliquer à toutes les personnes. D’une part, elles mettent en évidence les différents développements intervenus au sein de la société que les jeunes devront gérer et d’autre part, elles indiquent leur rapport – souvent contradictoire – avec les principaux éléments de l’apprentissage interculturel (qui sera précisé et compris dans les chapitres suivants à la lecture des théories et des principes éducatifs de l’apprentissage interculturel).
• La culture moderne privilégie la vitesse, les sentiments forts et les résultats immédiats, en présentant le monde comme une série d’événements intenses sans continuité. Cette overdose émotionnelle contraste avec le besoin d’explications rationnelles. L’apprentissage interculturel est un processus d’apprentissage lent et régulier, semé de ruptures. Il implique à la fois la raison et les sentiments, ainsi que leur pertinence par rapport à la vie.
• Pour l’essentiel, l’éducation reçue par les jeunes privilégie les réponses et fournit des concepts prêts à l’emploi et des explications simples. Les médias et la publicité recourent aux simplifications, renforçant ce faisant les stéréotypes et les préjugés. L’apprentissage interculturel s’intéresse à la diversité et à la différence, au pluralisme, à la complexité et aux questions ouvertes et enfin, à la réflexion et au changement. • Concernant les jeunes en tant que consommateurs, on constate que leur priorité première réside dans la satisfaction de besoins individuels – essentiellement matériels. Une forme de liberté très particulière est promue: «la survie du plus fort». L’insécurité économique et professionnelle renforce la concurrence. L’apprentissage interculturel concerne chacun de nous les uns par rapport aux autres, les relations et la solidarité et la considération sérieuse des autres.
• Les jeunes manquent de points de référence dans leur adolescence; les expériences de la vie et la perception de la réalité sont plus fragmentées. Les individus aspirent à l’harmonie et à la stabilité. L’apprentissage interculturel concerne la formation et l’altération de l’identité personnelle, la perception des changements de signification, l’acceptation des tensions et des contradictions.
• La société donne aux jeunes peu d’exemples et peu d’espace permettant d’exprimer et d’encourager la diversité, de prôner le droit d’être différent ou d’agir différemment et d’apprendre l’égalité des chances au lieu de la domination. L’apprentissage interculturel est essentiellement basé sur la différence, sur la diversité des contextes de vie et le relativisme culturel.
• Les jeunes se sentent plutôt impuissants dans la vie publique. Il est difficile d’identifier ses responsabilités politiques et ses possibilités de participation individuelle dans la réalité complexe actuelle. L’apprentissage interculturel concerne la démocratie et la citoyenneté, il implique la prise de position contre l’oppression, l’exclusion et leurs mécanismes de soutien.
• Les débats politiques et publics tendent à simplifier les faits et à négliger la recherche des causes. La mémoire historique transmise aux jeunes est courte et orientée. Ces deux facteurs
ne préparent pas les jeunes à la complexité de la réalité. L’apprentissage interculturel s’intéresse à la mémoire, aux souvenirs et au triomphe sur les souvenirs pour construire un nouvel avenir. L’apprentissage interculturel dans un contexte européen signifie aussi une réflexion approfondie sur les relations entre l’Est et l’Ouest, et sur la volonté d’entrer dans un véritable dialogue au sujet de notre histoire commune et différente. Beaucoup reste à dire. Les tendances susmentionnées peuvent être perçues différemment selon les pays et les réalités sociales. Le panorama présenté ne prétend pas être complet. Au contraire, il entend nous faire réfléchir plus avant sur l’état de nos sociétés et sur l’intérêt de l’apprentissage interculturel dans ce contexte, notamment aux yeux des jeunes. Les processus d’apprentissage interculturel développés avec les jeunes doivent être fondés sur leurs propres réalités. Aussi, une situation d’apprentissage interculturel planifiée devra-t-elle intégrer et concilier des tendances contradictoires.
Discutées ouvertement, celles-ci peuvent former les points de départ d’un dialogue interculturel honnête. Le contexte contemporain est une véritable gageure pour les jeunes, pour l’Europe et pour l’apprentissage interculturel. Mais de là précisément vient la nécessité de travailler sur cette question.
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