Les jeunes Européens de plus en plus loin des religions
Article publié dans le journal La Croix, le 22 mars 2018, par Arnaud Bevilacqua et Gauthier Vaillant.
L’Institut catholique de Paris et l’université catholique britannique St Mary’s de Twickenham ont réalisé une étude sur les jeunes et la religion dans 21 pays européens, plus Israël.
Si le déclin de l’affiliation et de la pratique religieuse est généralisé, l’étude fait apparaître de très fortes disparités entre les pays, et montre toutefois des jeunes chrétiens moins nombreux mais plus impliqués.
Les chiffres vont sans aucun doute interpeller les participants au pré-Synode, qui se tient en ce moment à Rome pour préparer le Synode des évêques sur les jeunes, en octobre. Selon l’étude conjointe de l’Institut catholique de Paris (ICP) et de l’université catholique londonienne St Mary’s sur la religiosité des 16-29 ans en Europe, dans 12 des 21 pays européens étudiés – auxquels s’ajoute Israël –, une majorité de jeunes déclarent être sans religion. En République tchèque, ils sont même 91 %!
Ce déclin de l’affiliation religieuse, à ne pas confondre avec la croyance en Dieu qui peut être dissociée de l’appartenance à une religion, est l’une des conclusions fortes de cette étude statistique. Celle-ci s’appuie sur les données des deux dernières vagues de l’enquête European Social Survey, réalisées en 2014 et 2016. Les auteurs se sont basés sur des sous-échantillons, parfois restreints, ce qui invite à la prudence dans l’analyse, de plusieurs centaines de jeunes de 16-29 ans dans chaque pays pour analyser leurs croyances et pratiques religieuses. Ainsi, en France, ils sont 64 % à se déclarer sans religion, contre 23 % de catholiques et 10 % de musulmans, à nuancer au regard d’un sondage OpinionWay pour La Croix, publié en juillet 2016, sur un échantillon plus large et plus représentatif, où 42 % des 18-30 ans se disaient catholiques et 47 % sans religion.
Toutefois, ces précisions n’empêchent pas de constater que selon l’étude, la référence religieuse s’estompe fortement. « Le constat est celui d’une situation de déclin gé- néralisé de la pratique religieuse », indique sans ambages le professeur Stephen Bullivant, théologien et sociologue des religions à l’université St Mary’s, co-auteur de l’étude. La pratique hebdomadaire est extrê- mement faible. Elle concerne plus de 10 % des jeunes uniquement dans quatre des pays étudiés : la Pologne (39 %), Israël (26 %), le Portugal (20 %) et l’Irlande (15 %). À l’inverse, dans sept pays, plus de la moitié des personnes interrogées déclarent ne jamais assister à un office religieux (République tchèque, Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, France et Hongrie).
Pour autant, l’enquête n’est pas uniforme. Les « bastions » catholiques résistent à la sécularisation, davantage d’ailleurs que les pays majoritairement luthériens ou anglicans. Outre l’exception polonaise (82 % de catholiques), le Portugal et l’Irlande – l’Italie ne fait pas partie de l’étude – affichent également un dynamisme enviable. « On dit beaucoup de l’Irlande qu’elle est en pleine déchristianisation et que les jeunes ne vont plus à l’église, explique Stephen Bullivant. C’est vrai si vous regardez les chiffres dans le temps, mais aujourd’hui, par rapport au reste de l’Europe, les jeunes Irlandais sont encore extraordinairement religieux. »
Par ailleurs, l’étude donne à voir des minorités chrétiennes peu nombreuses mais dont la religiosité apparaît plus vive et ne répondant quasi plus à une pression sociale ou une dimension identitaire. L’exemple le plus frappant est celui de la République tchèque. Très peu nombreux (7 % de la population), les jeunes catholiques sont 24 % à se rendre à la messe au moins une fois par semaine et 48 % à prier sur la même période. « L’exemple de la République tchèque est symptomatique de ce que Benoît XVI appelait les “minorités créatives” », analyse Stephen Bullivant qui envisage que le scénario tchèque préfigure celui de la France ou de l’Espagne à moyen terme.
Ce christianisme d’adhésion, par contraste avec le christianisme culturel qui est de moins en moins transmis, apparaît également à des degrés moindres au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en France. « Les communautés catholiques sont plus petites mais, dans un réflexe de minorité, les individus y sont plus investis », assure François Moog, théologien et doyen de la faculté d’éducation de l’ICP. « L’appartenance religieuse devient plus existentielle et engageante. La transmission familiale est plus forte comme le soutien entre les membres de la communauté. En revanche, ces minorités s’interrogent sur leur manière d’être chrétien aujourd’hui et de prendre la parole dans l’espace public. En France, plusieurs ouvrages ont d’ailleurs été publiés ré- cemment sur ce thème. » Arnaud Bevilacqua et Gauthier Vaillant
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