Année de la miséricorde : Jésus visage de la miséricorde
Alain Thomasset. Regarder Jésus, visage de la miséricorde du Père, pour devenir des témoins de la miséricorde.
Jésus visage de la miséricorde
(paru dans le journal diocésain de Saint-Denis : Quatre pages n°26, décembre-janvier 2016, p. 2)
« Jésus est le visage de la miséricorde du Père » (Pape François). Pour comprendre la miséricorde, il suffit de regarder le Christ ! Il a annoncé la bonne nouvelle aux pauvres, il a accueilli les pécheurs et mangé avec eux, il a eu compassion des malades et des foules, il a pardonné à ses ennemis, et surtout il a donné sa vie pour que nous ayons la vie. Les paroles et les gestes de Jésus manifestent cette miséricorde de Dieu pour son peuple déjà bien présente dans l’Ancien Testament : « j’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple, j’entendu son cri devant ses oppresseurs… » (Ex 3,7). Dans l’histoire biblique, le Dieu « de tendresse et de pitié » chanté par les Psaumes, ne cesse de venir à la rencontre des hommes pour le libérer, lui pardonner, renouer l’alliance avec ceux qui l’ont trahi… Pour Catherine de Sienne, la miséricorde est même « la marque distinctive » de Dieu.
Le mot « miséricorde » signifie « avoir la misère au cœur », se laisser toucher par le malheur des autres et agir en conséquence. Ce n’est donc pas le signe d’une faiblesse affective mais un bouleversement intérieur qui nous saisit, une force pleine de tendresse qui pousse à l’action. Il ne s’agit pas non plus d’une pitié qui regarde le malheureux d’en haut, mais ce qui nous invite à partager sa douleur pour lutter avec lui. Dans les évangiles le terme « compassion » (pâtir avec) dit bien cette attitude : « Jésus en débarquant vit une foule nombreuse et il eut compassion d’eux (littéralement : ‘il fut saisi aux entrailles’), parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger et il se mit à les enseigner longuement » (Mc 6,34). Ailleurs, nous voyons Jésus « ému de compassion » devant le lépreux qui le supplie, « il étendit la main, le toucha et lui dit : ‘Je le veux, sois purifié’ ». (Mc 1,41). Le lépreux était un paria exclu de la communauté, le Christ le touche, le guérit et le réintègre au sein du peuple.
À notre tour nous sommes invités à vivre cette miséricorde reçue de Dieu : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Le pardon reçu de Dieu et célébré nous rend capable de pardonner, et en même temps faire preuve de miséricorde nous rapproche de Dieu. Le bon samaritain de la parabole (Lc 10,30-36) c’est d’abord le Christ qui a « exercé la miséricorde à l’égard de l’homme blessé », mais Jésus déclare aussi : « Va et fais de même ». Ainsi la tradition catholique a désigné les « œuvres de miséricorde », comme autant d’expressions de cet amour qui soulage les souffrances. D’abord les « œuvres corporelles » : nourrir les affamés, donner à boire à l’assoiffé, vêtir ceux qui sont nus, abriter les sans-abri, visiter les malades, racheter les captifs, enterrer les morts (cf. Mt 25.34–40). De même les « œuvres spirituelles » : instruire les ignorants, conseiller ceux qui doutent, exhorter les pécheurs, supporter patiemment les torts, pardonner les offenses, consoler les affligés et prier pour les vivants et les morts.
Mère Teresa et l’Abbé Pierre sont assurément des témoins de la miséricorde, mais il faudrait aussi nommer cette mère qui soutient son enfant malade, ce bénévole qui visite les prisonniers, cette jeune qui lutte pour le droit des réfugiés… Le regard fixé sur le Christ, visage du Père miséricordieux, cette année jubilaire nous invite à la conversion et « à pénétrer davantage le cœur de l’Évangile où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine » (pape François).
Alain Thomasset, sj