La Charité de l’Église douloureuse
Jean RODHAIN, « La charité de l'Église douloureuse », Messages du Secours Catholique, n° 115, janvier 1962, p. 9.
La Charité de l’Église douloureuse
Vous trouverez en pages 4-5 un organigramme édifiant : il présente le réseau international de Caritas Internationalis. Admirez ce rayonnement mondial, mais ne vous réjouissez pas trop vite. Comptez aussi ce qui manque.
Il y avait une Caritas florissante à Prague. Elle ne figure pas sur le plan, car, dans ce pays, l'État en à maintenu le titre « Caritas » et le siège social, mais il en a fait un instrument de propagande contre Rome. De même en Hongrie.
Dans tous ces pays de l'Est, les œuvres de Charité ont été jugées tellement efficaces qu'elles ont été les premières frappées, ou détruites, ou annexées.
Pourquoi le Cardinal Mindszenty est-il toujours captif ? Et S. Exe. Mgr Béran ?
Oui, je sais bien, il y a les touristes hâtifs qui, ayant entrevu pendant trente secondes une église illuminée à Moscou, se déclarent satisfaits de la situation religieuse à Moscou. Je préfère entendre, aussi, les témoignages de tous ces prêtres qui souffrent dans les bagnes et les prisons, « tous ceux qui parcourent la campagne dans le secret de cachettes, sans cesse exposés à la trahison, tous ceux qui essayent de sauver ce qu'ils peuvent en acceptant, dans une invraisemblable toiture morale, d'essayer de sauver les sacrements en se taisant sur les mutilations de la vérité, ou de sauver la vérité au risque de priver les âmes de sacrements. »
En 1962, tous les missionnaires de Chine, qu'ils soient évêques ou prêtres de campagne, tous ont été un à un expulsés sans exception. Tous les diocèses chinois -magnifiques de vie chrétienne- sont coupés totalement de Rome. Aucun ne sera au Concile. C'est le Silence total. C'est l'Église du Silence.
Oui, je sais bien, il y a le paroissien farci de certains journaux qui explique ces captivités en jetant sur chaque nom une étiquète politique et sur chaque cas une explication d'opportunité. C'est facile d'accuser un clergé captif. C'est d'ailleurs à l'abri de ces accusations faciles que furent martyrisés Pierre et Paul, les premiers apôtres du Christ.
Ni la radio ni la télévision ne vous décriront cette Eglise du Silence. Et ce silence sera curieusement entretenu par 99 % des périodiques lus tranquillement par nos tranquilles catholiques de France.
Les terribles vides dans les assemblées du Concile de 1962 vont peut-être enfin ouvrir les yeux des catholiques confortables. Ils devineront la situation des catholiques réduits au silence total aussi bien en Chine qu'au Vietnam Nord.
Mais, puisque ce numéro de « Messages » est consacré aux perspectives internationales de la Charité, comment ne pas regarder en face cette partie de l'Église crucifiée ?
J. R.