Réconciliation
Jean RODHAIN, « Réconciliation », Flamme, septembre 1963, p. 3.
Réconciliation
La France a multiplié les gestes de réconciliation au-delà de ses frontières. C'est le propre de la grandeur. Et il faut se féliciter d'appartenir à un pays qui a su se dominer assez pour se réconcilier publiquement avec ceux contre qui nous nous battions au-delà du Rhin, ou au-delà de la Méditerranée. L’État a manifesté solennellement ces réconciliations. Les familles qui portaient dans le secret le prix de ces combats ont accepté cette réconciliation. Mais ce sont elles qui en ont tout le mérite. En silence.
La France n'a pas lésiné pour payer très cher cet oubli. Elle n'a compté ni ses deuils, ni ses ruines, ni même son aide financière. Cette générosité pour l'ennemi d'hier, cette libéralité pour l'étranger ressemble bien aux gestes de certains de nos rois de France. Un Saint Louis en a donné l'exemple.
Mais Saint Louis nous demanderait de ne pas oublier les Français.
Le Français est un peuple fier qui ne réclame pas le pardon, ni l'éclat.
Il est - comme Jeanne d'Arc - mal à son aise quand le pays se divise en Armagnacs et Bourguignons.
Chaque famille française qui a perdu un père devant Sedan ou un fils en Kabylie accepte la paix entre les pays mais réclame du même coup la même paix au dedans de notre propre France. Et Il n'y a pas de paix possible au dedans quand il y a trop de familles dont le fils ou le père est captif en douce France.
Pour que les Armagnacs et les Bourguignons s'entendent, Jeanne d'Arc avait un moyen. Et pour que la paix règne en son royaume Saint Louis avait un moyen. Le même. Ils se mettaient à genoux.
Nous irons donc nous agenouiller en la Cathédrale de Chartres pour la réconciliation du peuple de France. Nous avons choisi le jour de la Fête de Notre-Dame de la Merci, patronne des captifs. Nous vous invitons à ce pèlerinage : dimanche 29 septembre.
Jean RODHAIN,
Aumônier de la 3° Division Cuirassée,
Aumônier général des Prisons.