Les grandes heures du pèlerinage des prisonniers et déportés
Jean RODHAIN, « Les grandes heures du pèlerinage des prisonniers et déportés », Messages du Secours Catholique, n° 166, septembre 1966, p. 10-11.[1]
Les grandes heures du pèlerinage des prisonniers et déportés
Pour la 18° apparition, Bernadette était à genoux au-delà du Gave, dans l'herbe de la prairie.
Cette prairie immense, intacte a été pour trois jours transformée.
Au-delà du Rhin deux millions de Français ont vécu dans des camps de 40 à 45. Au-delà du Gave ces camps ont été reconstitués. (Photo ci-dessus.)
Depuis 20 ans ces prisonniers ont gardé le silence. Mais ils ont de la mémoire. Quand on a été captif, de quelque manière que ce soit, on s'en rappelle. Et on se rappelle pourquoi.
Toute l’euphorie des communiqués postérieurs ne fera jamais oublier à ces hommes qu'ils ont payé longuement pour une défaite que l'on oublie trop maintenant.
Jean Guitton, de l'Oflag IV D et de l'Académie française, a clôturé le pèlerinage en comparant les deux dernières guerres. En 40, nous aurions pu avoir, comme à Verdun, un million de morts. Au lieu de cette immense hécatombe, une immense captivité : donc ces captifs ont une mission à remplir.
Cette mémoire, cette mission, ont rempli ce « Camp du Retour ». Des esprits « intelligents » prédisaient un échec. Des esprits inquiets restaient sur la réserve. C'est l'infanterie qui a été fidèle. C'est le bon peuple qui a été exact. Un bon peuple qui n'est inscrit sur aucun de ces fichiers savants à la mode maintenant.
Vingt-cinq évêques, anciens prisonniers et déportés, avaient confié ou Secours Catholique l'honneur de réaliser le pèlerinage. C'était un travail et un risque. La grande famille du Secours Catholique est fière, pour le 20ème anniversaire de sa naissance, d'avoir eu cet honneur. Elle aime les risques. Et il y avait chez les prisonniers, chez les déportés, tant de fidélité, tant d'amitié, que ce travail a été non seulement facile, mais réconfortant.
J. R.
[1] Réédité sur la pochette du disque "Pélerinage des prisonniers et déportés. Lourdes septembre 1966.