Un nouveau Carême
Jean RODHAIN, « Un nouveau carême », Messages du Secours Catholique, n° 161, mars 1966, p. 3.
Un nouveau Carême
Pour la première fois de leur vie, les chrétiens vont appliquer en ce Carême 1966 un code que n'ont connu ni leurs pères, ni leurs grands-pères :
- Seulement désormais deux jours de jeûne : le Mercredi des Cendres et le Vendredi saint (dispense en dessous de 21 ans et après 60 ans).
- Abstinence de viande le vendredi à partir de 14 ans (et non plus de 7 ans).
Tous les évêques réunis au Concile ont été consultés pour l'application de ce « code »[1] dont les très longs chapitres insistent sur les points suivants :
La pénitence, obligatoire pour tous, s'exerce de trois manières : la PRIERE, le JEUNE, les ACTIVITES CHARITABLES.
Comment ventiler ces trois modes ? Ici, le texte officiel apporte une notion très nouvelle[2] en se référant au niveau de vie de chaque pays.
« Ainsi, dans les nations qui jouissent d'une économie riche, que l'on demande le témoignage d’abnégation, pour que les chrétiens ne se conforment pas à ce siècle, en même temps, il faut demander les témoignages de charité envers les frères qui souffrent de la pauvreté et de la faim, même si ceux-ci habitent dans des régions reculées.
Aussi, tout en maintenant les usages extérieurs de la pénitence qui furent canoniquement maintenus pendant des siècles, même en ce qui concerne l'abstinence de viande et le jeûne, là où il peut être plus opportun de les conserver, l'Église juge que doivent être aussi appuyés de l'autorité de ses commandements les autres formes de pénitence, là où il semblera opportun aux Assemblées ou « Conférences » épiscopales de remplacer l'observance de l'abstinence et du jeûne par l'exercice de la prière et par les œuvres de charité. »
C'est, en somme, le partage à l'échelle des nations qui devient une loi du Carême. Se priver pour partager. C'est la vieille loi de l'Église primitive. C'est affirmé par saint Paul quêtant à Corinthe pour la famine de Jérusalem. Mais ici ce partage se situe sur le plan mondial. Et ce partage est proclamé explicitement dans le « code » du Carême : ceci est une nouveauté dont les commentateurs vont s'emparer dans six mois, et que les canonistes vont daigner commenter après une ou deux années de stupéfaction....
Mais si l'on étudie les textes romains[3], on découvre des applications précises et pratiques.
L'Osservatore Romano du 20 février[4] publie le commentaire de ce « code ». Il précise que dans chaque pays les conférences épiscopales pourront adapter cette loi. Et il cite des exemples : Dans les pays riches, les fidèles pourront être invités à se priver de tabac ou d'alcool ou de cinéma. Et le résultat de leurs privations, ils les verseront à des Œuvres charitables.
Ces textes sont Parvenus en France trop tard pour 1966. Mais ces textes laissent deviner clairement l'esprit qui a guidé les rédacteurs : on revient aux traditions[5] de l'Église des premiers siècles : LE PAIN CONSACRE - LE PAIN PARTAGE.
J. R.
[1] Il ne s'agit pas d'un « Code ». Le document est la Constitution Apostolique « Paenitemini » du 17 février 1966. Traduction française dans l’Oss. Rom. de langue française n°845, page 4.
[2] Idem, ch. III, Paragraphe c. colonne 5.
[3] Les stupides perroquets qui rabâchent les slogans contre la Curie feraient bien de se donner d'abord la peine de lire les textes publiés par cette Curie.
[4] Commentaire du P. Bertrams, s.j. dans Oss. Rom du 20 février, page 1, col. 6 et 7.
[5] Voir article du R.P. Daniélou dans « Messages » de février 1966.