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La pauvreté de Sainte Bernadette

30 août 2017
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Jean RODHAIN, « La pauvreté de Sainte Bernadette », Journal de la Grotte Lourdes, 112ème année, n° 16, 31 juillet 1966, p. 6-7.[1]

La pauvreté de Sainte Bernadette

Allocution à la clôture des Fêtes du Centenaire de l'entrée de Sainte Bernadette à Saint Gildard. Nevers, Dimanche 10 Juillet 1966

Le dimanche 10 juillet, le Couvent Saint-Gildard de Nevers célébrait la Clôture des Fêtes du Centenaire de l'arrivée de Bernadette. Son Eminence le Cardinal Marella présidait les cérémonies où l'on notait la présence de leurs Excellences Nosseigneurs Vial, Stourm, Lebrun et Bougon.

Mgr Rodhain, Président de la Caritas Internationale, à la cérémonie du soir, évoquait les divers aspects de la pauvreté de Bernadette. Nous sommes heureux de reproduire ici cet exposé. L. R.

C'est un très grand honneur pour le Président de Caritas Internationalis d'être ce soir associé aux Fêtes du Centenaire, de l'entrée de sainte Bernadette dans cette Maison.

Au nom des 80 Caritas Nationales et des Conférences de St. Vincent de Paul et des Dames de la Charité réunies dans cette « Caritas Internationalis », je remercie Son Excellence Monseigneur Vial, Evêque de Nevers, et les Révérendes Mères de Saint-Gildard pour ce privilège qui nous conduit à regarder plus spécialement ensemble sainte Bernadette pratiquant la pauvreté ici à Nevers.

L'humble bergerie de Bartrès et le misérable cachot où se réfugia la famille Soubirous évoquaient déjà avec précision la pauvreté de Bernadette à Lourdes.

Ici, à Nevers dans son couvent de Saint-Gildard, Bernadette a pratiqué une pauvreté attentive, agissante et remerciante. Tels sont les trois aspects qui vont guider ici ce soir votre méditation.

Pauvreté attentive.

Pour servir les plus pauvres sur le plan international, pour rationaliser l'envoi des secours aux affamés des Indes, il faut bien établir des statistiques rigoureuses et utiliser une mécanographie moderne, je suis donc acquis aux fichiers et aux enquêtes.

Cependant leur transposition au plan paroissial et pastoral me laisse toujours un peu réservé.

S'il y a cent ans, le bon M. Peyramale, curé de Lourdes, avait mis ses paroissiens sur fiches, aurait-on trouvé, dans le tiroir des militantes, la fiche de Mademoiselle Bernadette Soubirous ?

A 14 ans, elle ne fréquente ni le catéchisme ni l'école. Pas de première communion.

Son père a échoué dans son commerce et a dû faire un séjour en maison d'arrêt.

Sa famille ne jouit d'aucun crédit, ni chez le boulanger, ni auprès de la paroisse.

Et voilà bien la première des pauvretés de Bernadette, plus lourde à porter que la pauvreté matérielle. Pauvreté indéchiffrable. Aucune fiche ne doit exister sur elle dans le dossier des « militantes » de la paroisse St-Pierre de Lourdes à l'heure où elle devient la confidente de l’Immaculée.

Mais, par contre, ici à Nevers, nous avons un fichier bien organisé, et si vous le permettez, nous allons, dans les archives, retenir quelques chiffres.

Le 7 juillet 1866, il y a donc exactement 100 ans, lorsque Bernadette entra à Nevers, sur le registre de la Mère Econome, on trouve les précisions, les seules précisions suivantes :

- Elle est reçue gratuitement.

- Elle est reçue sans dot.

- Les vêtements qu'elle porte lui ont été fournis par les religieuses de Lourdes.

- Pour son trousseau, c'est la communauté qui est obligée de le fournir : coût 177 francs 50 centimes[2].

 - Ainsi, pour célébrer l'entrée de cette Sainte, il n'y a qu'une facture coûteuse pour la communauté...

Toutefois, plusieurs années après, une autre plume d'une autre encre a ajouté tout de même sous ce chiffre de 177 francs 50 centimes un post-scriptum : « Cette entrée de Sœur Bernadette Soubirous a été une grande grâce pour notre communauté. »

Deuxième fait et deuxième chiffre : le plus jeune frère de Bernadette, Pierre Soubirous, est pensionnaire chez les Pères de Garaison. Les bonnes âmes qui payent la pension de cet enfant sans le sou ont dû être négligentes, car Marie Sabathé, sœur de Bernadette et tutrice du petit Pierre, reçoit du Père Econome un rappel de facture s’élevant à 629 francs et 10 centimes. Impossible de réunir unes pareille somme. Marie Sabathé décide de retirer Pierre du Collège et de l'installer à Lourdes, dans une boutique où il vendra des objets religieux. Elle en informe aussitôt Bernadette.[3]

Chez Bernadette qui écrit peu, qui écrit mal, cette facture de 629 francs et 10 centimes provoque immédiatement la rédaction de cinq lettres différentes.

Le 14 mai, première lettre à sa sœur Marie Sabathé[4]. C'est une lettre orageuse. Bernadette n'admet pas que son frère puisse s'enrichir un jour avec un commerce de ce genre à Lourdes. « Je m’oppose formellement. » Elle cherche les raisons de cette dette imprévue. Elle ordonne à sa sœur de faire des démarches immédiates : « je suis votre aînée. J'ai le devoir de veiller à l'avenir de mon jeune frère. » Le même jour, seconde lettre[5], cette lettre est adressée à ce petit Pierre pensionnaire. Bernadette doit craindre pour lui une émotion avec cette facture imprévue. Aussi c’est une lettre toute affectueuse et fraternelle… »

Le même jour 29 mai, troisième lettre au Curé de Lourdes[6]. Bernadette lui expose sa surprise. Elle cherche les raisons d'un coup si imprévu. Elle propose une explication. Elle suggère les démarches à faire pour réparer le dommage. C'est une lettre d'affaire, une lettre fort habilement ordonnancée.

Un peu plus tard, toujours, pour cette dette de 629 francs et 10 centimes, deux autres lettres de Bernadette adressées l'une à l’évêque de Tarbes[7], l'autre à M. Peyramale[8], ce sont de filiales lettres de remerciement : ses démarches ont été efficaces.

Certains statuaires voulant exprimer la condition modeste de Bernadette l’ont représentée avec une silhouette effondrée et un visage résigné. La lecture de ces lettres nous prouve que sa pauvreté n'était pas passive. Elle était pleine de fierté et de vigueur.

Certains fidèles s'imaginent qu'en quittant le monde, la religieuse se coupe de ses parents et des soucis de sa famille. Les lettres écrites par sainte Bernadette à propos de cette facture de 629 frs et 10 centimes nous montrent au contraire cette religieuse modèle si présente au présent et à l'avenir des siens. Les réalités, les misères, les soucis, les besoins, les dangers de sa famille, elle y est attentive : pauvreté attentive.

Pauvreté agissante

Au début de cette célébration vous avez cité des témoignages sur les initiatives de Bernadette, ici, comme infirmière : « Comme infirmière, Bernadette n’avait pas la charge du personnel laïque attaché à la Maison-Mère. Cependant, par bonté elle montait jusqu'au dortoir des employés du second étage, lorsqu'il s'en trouvait quelqu’une de malade. Pour ne pas surprendre, avant d'ouvrir la porte, elle s'annonçait en chantonnant. « Aucune autre visite ne valait celle-là. Bernadette redressait mon oreiller, épongeait ma sueur et me prenait la main avec la tendresse d’une vraie sœur ou d'une mère », raconte une ancienne employée qui avait alors 17 ans.

Mais cette sollicitude pour les malades, elle la possédait déjà avant d'entrer ici. À Lourdes, à cent mètres de la Cité-Secours, la ferme Doucet possède une relique inestimable. C'est un cahier tenu et illustré par un petit infirme qui, en 1868, notait les visites réconfortantes que, malgré l'éloignement, venait lui faire Bernadette entre deux apparitions. Vous me direz que c'est banal, que c'est normal de visiter les malades. Je me permets de ne pas être de cet avis.

A Caritas Internationalis, nous essayons d'aider les victimes de tant de catastrophes, qu’il s'agisse des Indes ou des tremblements de terre, et finalement on est submergé partout de spectacles douloureux. Et si vous me demandez quel est, au milieu de tant de misères mon souvenir le plus vif, je vais vous l'avouer tout de suite. Le voici : En 1950, pour l'Année Sainte, parmi des milliers de pèlerins heureux d'aller à Rome, nous avions décidé de conduire un train entier de paralytiques. Ils provenaient de tous les diocèses de France. Ils furent reçus en audience par le Pape. En petites voitures ils visitèrent intrépidement Rome, depuis les Basiliques jusqu'aux Catacombes.

Et dans le train de retour, nous les avons interrogés. La plupart ne sortaient jamais de leur chambre, certains n’avaient pas quitté leur lit depuis vingt ans : les uns parce qu'ils ne possédaient pas de fauteuil roulant ; la plupart parce que jamais personne ne s'était offert à les promener une heure au soleil. Quinze ans après, je reste encore bouleversé devant la découverte de cet aveuglement général. Et tout ceci se passe en France, dans nos paroisses modèles.

Nous surabondons de conférences, de commissions, de révisions de vie, de plans pour sauver le Tiers-Monde. Et pendant ce temps là, à combien de paralytiques de notre quartier avons-nous offert une heure de soleil ?

Je ne crois pas au militant bavard qui ne sait pas s'astreindre chaque mois à visiter une prison ou un hôpital. C'est ici la pierre de touche de tout apostolat. Il faut trouver le temps, il faut savoir regarder, chercher, il faut savoir surmonter une douzaine d'objections et rentrer dans la salle d'hôpital, « C'est le pas qui coûte, donc celui qui compte. » C'est le pas difficile à faire, donc celui qui rapproche véritablement du Seigneur présent dans le pauvre.

Après le Concile, nous sommes submergés par les commentaires et les explications. Regardons Bernadette, qui a si peu parlé, qui a si peu écrit, nous présenter l'exemple de sa pauvreté silencieuse, mais active.

Pauvreté remerciante.

Non seulement pour le privilège extraordinaire des Apparitions, mais même pour les détails de chaque instant, nous trouvons dans les écrits et les paroles de sainte Bernadette une action de grâce continuelle. « Remercier », ce mot court à travers toute sa correspondance, il se répète dans ses notes intimes[9].

Comme le psalmiste de l'Ancien Testament adorant la puissance du Créateur et mesurant sa propre pauvreté, ne cesse de remercier pour ce que le Créateur lui accorde, de même chez Bernadette la connaissance de sa pauvreté la rend davantage remerciante.

Elle remercie pour le baptême, pour les sacrements reçus, pour l'appartenance à l'Église. Mais, ici je bute sur un point obscur.

Lorsque Bernadette, il y a cent ans exactement, entre à Nevers, le Premier Concile du Vatican se prépare. Et la communauté avait bien des raisons d'être tenue au courant du Concile puisque, pendant le Concile lui-même, Mère Joséphine Imbert, Supérieure Générale, se rend à Rome. Accompagnant Monseigneur Forcade, Evêque de Nevers, venant siéger au Concile[10], elle arrive à Rome, le 26 mars 1870. Elle vient solliciter pour les Sœurs de Nevers le Statut Canonique des vœux perpétuels. Elle sera reçue par le Pape Pie IX, le 27 mai 1870.

La communauté restera en correspondance fréquente avec sa Supérieure Générale séjournant à Rome pendant ce Concile.

Or, quelles allusions au Concile trouvons-nous dans la correspondance de Bernadette ? Aucune. Le mot Concile n'y figure même pas une seule fois[11].

Dans le journal de la Communauté ? rien sur le Concile, hormis trois allusions à des prières pour le Concile.

Dans-les circulaires de la Mère Générale, datées de Rome, une seule fois, il est demandé de prier pour le Concile[12].

Certes, on s'intéresse à la vie de l'Eglise. On prie pour le Pape et ses tribulations. On lui envoie des lettres ; on lui confectionne de petits cadeaux ; on s'intéresse aux Missions. Monseigneur Forcade avait été missionnaire au japon, pro-préfet apostolique à Hong-Kong et Évêque de la Guadeloupe avant de devenir Évêque de Nevers en 1961. Allant au Concile, ou en revenant, plusieurs Évêques missionnaires vont à Nevers voir Bernadette, et chaque fois, la Communauté leur remet une belle offrande pour leur mission.

Mais du Concile pas question au sujet des débats, des schémas, au sujet de la fameuse bataille sur l'infaillibilité pontificale, il n'existe aucune allusion dans les archives ni dans le journal de la Communauté, pendant le Concile. C’est un fait.

C'est un fait aussi que, 100 ans après, pour le Concile Vatican II, toutes les paroisses, toutes les communautés religieuses ont été tenues au courant des schémas, des débats, et, des décisions du Concile.

Certains expliqueront ce progrès par l'existence de la radio et de la télévision ; d’autres insisteront sur le caractère très spécialisé du Concile Vatican I.

Mais en comparant, à cent ans de distance, la manière dont, aujourd'hui, chaque fidèle, chaque communauté religieuse, est associé à la vie du Concile et à la vie de l'Église, est-ce que nous ne sommes pas tous par rapport à 1866, des privilégiés !

Quelle action de grâce dans les écrits de Bernadette si, elle avait vécu au temps de Vatican II, quels remerciements de sa part à la promulgation des textes conciliaires sur l'Église, sur la Vierge Marie, sur la présence de l’Église ?

- Avons-nous conscience de vivre, au lendemain du Concile, des heures privilégiées ? Au lieu de nous laisser obséder par de misérables discussions, avons-nous, comme Bernadette, l’habitude, pauvres que nous sommes, de rendre grâce pour cette Eglise si riche de la présence du Seigneur ?

Les carnets de Bernadette contiennent bien des prières généralement recopiées d'après des formulaires de l'époque. Une seule semble composée par elle seule, a la fin de sa vie. C'est la prière du pain.. Elle terminera notre méditation : « O Jésus, donnez-moi, je vous prie, le pain de l'humilité, le pain d'obéissance, le pain de charité, le pain de force pour rompre ma volonté et la fondre dans la vôtre, le pain de mortification intérieure, le pain de détachement des créatures, le pain de patience pour supporter les peines que mon cœur souffre. O Jésus, vous me voulez crucifiée : Fiat ! Le pain de force pour bien souffrir, le pain de ne voir que vous seul en tout et toujours. Jésus, Marie, la Croix : je ne veux d'autres amis que ceux-là. Amen. »

Pourquoi en cette prière l'image du pain revient-elle comme un refrain ? Est-ce qu'à l'approche de sa mort Bernadette a entendu tourner, la meule du moulin de Boly de son enfance ? Est-ce qu'elle a revu son père, le pauvre meunier, chargé de sacs de blé ? Est-ce qu'elle s'est rappelé sa mère cherchant à vendre ce grain moulu, pour donner un peu de pain à sa maisonnée ?

A l'instant où maintenant s'avance le cortège du Saint Sacrement que Bernadette nous donne le sens du pain consacré, du pain partagé, car dans l'un et l'autre c'est la charité du Seigneur.

Amen.

 

[1] Réédité dans : Jean RODHAIN,  La Vierge Marie et le berger, Paris, SOS, 1988, p. 71-79.

[2] Livre des entrées de la Mère Econome.

[3] Lettre du 20 mai 1872, de Marie Sabathé à Sœur Marie Bernard. 2 fol..13,9 X 21, papier bleu quadrillé, incomplet. Archives du Chalet Episcopat Lourdes, pièce 12.

[4] Original du Musée Marial de Lourdes. Papier bleuté, 2 fol. 13,5 X 21.

[5] Ravier, Pièce 121, Page 303.

[6] Musée Marial. Lourdes, 2 fol.13,5 X 21,5 papier bleuté très délavé.

[7] Fin juin 1872.

[8] 10 juin 1872, 2 fol. 13,3 X 21, blanc rayé dans la trame. col. Senmartin.

[9] Ravier 530.

[10] Le 27 août 1869, la Communauté offre une soutane violette et deux chapes à l'Évêque de Nevers « pour se rendre au Concile. » (journal de la Communauté).

[11] Une lettre de Bernadette a paru faire mention du Concile. En réalité, quand on observe l'original on lit clairement un autre mot : « je prie pour le Conseil de la Congrégation. » (Lettre à la Révérende Mère Générale du 15-V-1870, p.103).

[12] Lettre circulaire n°14, du 21-XI-69.

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