Lettre à un lecteur
Jean RODHAIN, « Lettre à un lecteur », Messages du Secours Catholique, n° 179, novembre 1967, p. 3.
Lettre à un lecteur
Rome, ce 31 octobre 1967.
Cher lecteur fidèle
Chaque semaine dans un aéroport ou un buffet de gare je suis aimablement abordé par des inconnus qui avouent lire « Messages ». Les uns par des questions malicieuses voudraient identifier mon collaborateur Sidoine, les autres me situent leur préférence vers tel ou tel reportage. D’autres enfin m'avouent franchement que, privés de temps, ils ne lisent dans « Messages » qu’une seule page. C’est en pensant à ces derniers, c’est en supposant que dans ce numéro ils vont lire cette page 3, que je vais essayer, en deux mots, d'expliquer l’appel spécial de novembre.
Comme chaque année la Journée Nationale du Secours Catholique (19 novembre) donne à ce numéro un tirage exceptionnel (910.000 exemplaires dont 18 éditions régionales). A tirage exceptionnel, appel exceptionnel. Pourquoi ?
Primo : Au secours de la Paix
J’écris ces lignes à Rome, où nous restons tous bouleversés par le Patriarche Athénagoras rencontrant devant la tombe de Pierre le successeur de Pierre après mille ans de séparation. Les Actes des Apôtres nous dévoilent que déjà aux premières heures de l’Église une séparation à failli se réaliser entre les partisans de Pierre et les partisans de Paul : quel schisme irréparable aurait été cette séparation originelle ? Et qui sait si dans ce dialogue qui ne tenait plus qu’à un fil, ce fil n’a pas été consolidé par la mission des chrétiens de Paul, apportant depuis Corinthe leur collecte aux chrétiens de Pierre dans leur Jérusalem dévastée par la famine ?
Il ne s’agissait pas d’acheter un accord, mais de témoigner d’un lien. Il ne s’agissait pas d'une aumône persuasive, mais d’un dialogue où les privations avaient plus de place que les phrases.
La paix de la chrétienté primitive a été tissée par cette première collecte pour la faim.
La paix, en 1967, est en péril du Soudan à Saïgon, et au Nigeria comme à Jérusalem.
L’homme prévoyant se demande jusqu’où cette épidémie sera contagieuse.
Faire une collecte, travailler au développement, le poursuivre jusqu’à persuader chaque pays du Tiers-Monde qu'il ne peut prendre son essor qu’après avoir réduit son propre budget de guerre, c’est finalement travailler pour la paix.
Ce n’est pas une propagande, c’est un témoignage. Or pour témoigner, le cœur ne suffit pas. Paul, le plus grand des théologiens, consacre dans ses épîtres de nombreux versets à la collecte. Chaque chèque compte.
Secundo : Au secours des sinistrés
Le 16 août dernier, un mercredi, le maire d'Arette dévastée lance un appel pour des logements. Le vendredi, les clefs de 12 éléments installés sont remises au maire d'Arette par le Secours Catholique. En 48 heures, des équipes travaillant sans relâche et des camions roulant toute la nuit ont réalisé ce record de vitesse. Cela n’a pas résolu le relogement des populations sinistrées, mais cette rapidité et cette présence leur ont redonné confiance.
A Pommereuil, sans l’aspect spectaculaire d'Arette, même présence.
A Jérusalem, en Jordanie, en Egypte, en Syrie, une chaîne d'avions a porté aussitôt les premiers secours aux victimes de la guerre.
Mais pour acheter sur-le-champ le matériel de Pommereuil et d'Arette, pour payer notre part dans les envoie collectifs vers la Terre Sainte, vous devinez de quoi Il faut disposer. Or, si nous avons fait en 1967 deux appels publics (Terre Sainte et Arette), il y a trente autres catastrophes où nous sommes intervenus sans rien dire pour ne pas vous importuner. Tout cela ne peut se réaliser que par l’argent que vous nous confiez.
Conclusion
L'Histoire du Christ commence par un recensement. Et chaque page de l’Évangile énumère des chiffres, depuis la drachme de la veuve jusqu'au denier de César.
Pour secourir les sinistrés, pour travailler à la Paix, nous vous laissons fixer vous-même votre chiffre. Il deviendra une aide spéciale et précise.
Merci de votre confiance.
Jean RODHAIN