Objections contre le Secours Catholique
Jean RODHAIN, « Testi conciliari sulla carità come vincolo di unione tra i credenti delle varie chiese et comunioni cristiane e delle varie religioni », in Aa.. Vv.., Solidarietà e carità in un mondo in trasformazione. Atti del IVe congresso di studio della pontificia opera-assistenza, Roma 10-13 febbraio 1969, Roma, Edizione Caritas, 1969. p. 187-192 [1]
Textes conciliaires sur la charité comme engagement d’union entre les croyants des différentes Églises et communions chrétiennes et des diverses religions
Mgr Jean RODHAIN Président de Caritas Internationalis
Témoignages vivants
Je suis de retour de Copenhague. A la rencontre à laquelle j’ai participé, 50 spécialistes, représentants 27 organisations internationales, ont étudié et mis au point le mécanisme des aides aux victimes de la guerre Nigeria-Biafra.
Nous avons réalisé, à ce jour, 1380 vols pour le transport des secours.
Qui sommes-nous ? C’est Caritas Internationalis qui a commencé les vols dès le début de mars dernier. En juillet les églises luthériennes de Suède et de Norvège et le Diakonisches Hifswerk (secours protestant d’Allemagne) ont multiplié par dix la capacité de notre pont aérien. Actuellement 27 organismes confessionnels sont réunis sous le nom J.C.A. (Joint Church Aid) pour gérer cette opération extraordinaire.
Ce qui est extraordinaire c’est qu’un « pont aérien » de ce genre a été créé et maintenu par des organisations privées dont la plupart auparavant n’avaient réalisé des opérations à caractère international.
On ne cessera jamais de rendre hommage aux efforts, ignorés par le public, de ceux qui ont osé, qui ont risqué et qui continuent à risquer : une telle opération est un véritable témoignage.
Mais au-delà de ce succès à caractère technique, il y a aussi un autre aspect dans ce témoignage.
Les pays représentés à Copenhague, de la Finlande au Canada, ont témoigné que les énormes ressources mobilisées étaient dues à une grande participation populaire dont les jeunes ont été les acteurs principaux.
Les vols et toute l’opération n’auraient pu se réaliser si avant il n’y avait eu une mobilisation pour l’aide, mobilisation qui n’a pas été provoqué par les théologiens ni par la hiérarchie ecclésiastique.
Est-ce qu’il s’agit d’une œuvre de l’Esprit Saint et peut-on définir cette action presque comme un charisme ? Est-ce que par cet élan pour le Biafra on peut tirer des enseignements pour un œcuménisme de la charité ? Et enfin est-ce que ce témoignage pourrait être lié à certains textes proclamés dans le Concile à ce sujet ? Nous développerons ce point dans la deuxième partie.
Fécondité d’une action caritative commune entre frères séparés
Le texte de base qui introduit le décret « Unitatis redintegratio » sur l’œcuménisme mérite d’être lu dans sa totalité.
Approuvé par 2137 voix contre 11 le 21 novembre 1963 et promulgué le même jour par le Pape, ce décret est composé de deux paragraphes dans lesquels est clairement déclarée la possibilité d’une action caritative commune entre frères séparés :
"12. Que tous les chrétiens, face à l'ensemble des nations, confessent leur foi en Dieu un et trine, en le Fils de Dieu incarné, notre Rédempteur et Seigneur, et par un commun effort, dans une estime mutuelle, qu'ils rendent témoignage à notre espérance, qui ne sera pas confondue. Aujourd'hui qu'une très large collaboration s'est instaurée dans le domaine social, tous les hommes sans exception sont appelés à cette oeuvre commune, mais surtout ceux qui croient en Dieu, et, en tout premier lieu, tous les chrétiens, à cause même du nom du Christ dont ils sont ornés. La collaboration de tous les chrétiens exprime vivement l'union déjà existante entre eux, et elle met en plus lumineuse évidence le visage du Christ serviteur. Cette collaboration, déjà établie en beaucoup de pays, doit être sans cesse accentuée, là surtout où l'évolution sociale ou technique est en cours, soit en faisant estimer à sa valeur la personne humaine, soit en travaillant à promouvoir la paix, soit en poursuivant l'application sociale de l'Evangile, ou par le développement des sciences et des arts dans une atmosphère chrétienne, ou encore par l'apport de remèdes de toutes sortes contre les misères de notre temps, telles la faim et les calamités, l'ignorance et la pauvreté, la crise du logement et l'inégale distribution des richesses. Par cette collaboration tous ceux qui croient au Christ peuvent facilement apprendre comment on peut mieux se connaître les uns les autres, s'estimer davantage et préparer la voie à l'unité des chrétiens. "
Ce paragraphe est complété par le par. 23 qui précise son application :
« 23. La foi au Christ produit des fruits de louange et d'action de grâces pour les bienfaits reçus de Dieu. A cela s'ajoute un sens très vif de la justice et une sincère charité à l'égard du prochain. Cette foi agissante a même provoqué l'institution de beaucoup d'œuvres pour le soulagement de la misère spirituelle et corporelle, pour l'éducation de la jeunesse, pour l'amélioration des conditions sociales de vie, pour l'établissement partout d'une paix stable.
Même si parmi les chrétiens, beaucoup n'entendent pas de la même manière que les catholiques l'Evangile dans les questions morales et n'admettent pas les mêmes solutions des bien difficiles problèmes de la société d'aujourd'hui, néanmoins, ils veulent, comme nous, s'attacher à la parole du Christ comme à la source de la force chrétienne et obéir au précepte apostolique : "Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père" Col 3,17. C'est ici que le dialogue oecuménique sur l'application morale de l'Evangile peut commencer. ».
Travail caritatif commun avec les frères séparés
Ce qui est important de noter c’est que ce texte n’est pas isolé. Dans les Décrets ou Constitutions du Conseil sur des sujets différents nous retrouvons souvent la même préoccupation d’un travail caritatif commun avec nos frères séparés.
Voici le Décret sur l’Apostolat des Laïcs dont un paragraphe est entièrement dédié à la collaboration œcuménique. Ce Décret a été approuvé par 2340 voix contre 2 le 18 novembre 1965 et promulgué le même jour. Il développe et applique les directives de base du quatrième chapitre de la Constitution « Lumen Gentium » et il est repris dans la Constitution « Gaudium et Spes » sur l’Église dans le monde contemporain.
Voici le texte qui nous intéresse
« 27. Le patrimoine commun évangélique et le conséquent devoir commun du témoignage chrétien recommandent et souvent exigent la collaboration des catholiques avec les autres chrétiens, que les personnes individuelles et les communautés des Églises doivent appliquer, soit par des actions individuelles, soit à travers des associations, dans le domaine national et international. Les « valeurs humaines » communes demandent souvent une coopération des chrétiens qui ont la charge des activités apostoliques avec ceux qui ne pratiquent pas le christianisme, mais qui en reconnaissent les valeurs.
Par cette coopération, dynamique et prudente, qui est très importante, les laïcs offrent le témoignage au Christ, sauveur du monde, et à l’unité de la famille humaine ».
L’action caritative commune avec les religions non-chrétiennes
La Déclaration « Nostra Aetate » sur les relations de l’Église avec les religions non-chrétiennes comporte deux paragraphes concernant l’action caritative.
Les diverses populations constituent une seule communauté
« 1. De nos jours où l’humanité s’unit de jour en jour et augmente l’interdépendance entre les peuples, l’Église examine avec plus d’attention la nature de ses relations avec les religions non-chrétiennes. Dans son devoir de promouvoir l’unité et la charité entre les hommes et entre les peuples, elle examine d’abord tout ce que les hommes ont en commun et qui les pousse à vivre ensemble leur destin commun.
En effet les peuples constituent une seule communauté. Ils ont une seule origine car Dieu a fait habiter toute l’humanité sur la terre ; ils ont aussi un but final, Dieu, dont la providence, témoignage de bonté, s’étend à tous, jusqu’au moment où les élus seront réunis dans la Ville Sainte, que la gloire de Dieu illuminera et où les personnes marcheront dans Sa lumière ».
Pas de discriminations
« 5. Nous ne pouvons invoquer Dieu le Père de tous les hommes si nous nous refusons de nous comporter comme frères envers certains hommes parmi les hommes qui sont créés à l’image de Dieu. L’attitude de l’homme envers Dieu le Père et celui de l’homme envers les autres hommes sont tellement liés que l’Écriture affirme : « Celui qui n’aime pas ne connaît Dieu » (1 Jn 4, 8). Il n’y a donc aucun fondement à toute théorie qui introduit entre homme et homme, peuple et peuple, discriminations en ce qui concerne la dignité humaine et les droits conséquents ».
La constitution Gaudium et Spes sur l’Église dans le monde contemporain présente, dans l’un de ses paragraphes, la base de l’activité caritative.
La tendance communautaire dans la vocation humaine dans le plan de Dieu
« 24. Dieu, qui est un père pour tous, a voulu que les hommes forment une seule famille et se comportent entre eux comme des frères. Tous, en effet, créés à l'image de Dieu "qui à partir d’un seul homme a produit l’humanité tout entière pour peupler toute la terre" (Ac. 17, 26), sont appelés au même but, c’est-à-dire Dieu.
De ce fait l’amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand commandement de la Sainte Écriture. En effet l’amour de Dieu ne peut être séparé de l’amour pour le prochain ».
* * *
Dans son discours d’ouverture de la IVe Session Conciliaire, le Pape Paul VI présente une synthèse grandiose des intentions du Concile.
« L’Église pourra-t-elle faire autrement pour regarder le monde et l’aimer ? ». C’est la question.
Chaque fois que deux ou trois personnes se rencontrent en Son nom, chaque fois le Seigneur est présent. Et chaque fois, nous en sommes convaincus, notre fraternité est plus authentique.
[1] Traduit de l'italien par Marcello Palumbo, sauf les textes du Concile dont on a repris la traduction française officielle. (Note de l'éditeur)