Sept cents ans de recul
Jean RODHAIN, « Préface », in Charles KLEIN, Saint Louis. Un roi aux pieds du pauvre, Paris, SOS, 1970.
Sept cents ans de recul
Saint Louis est mort en 1270. Il y a donc sept cents ans. Sept siècles, cela donne du recul.
Sept siècles. Dans sept cents ans, soit donc en l'an 2670, on regardera notre époque avec un recul égal.
Dans sept siècles, tous détails tombés, toute publicité envolée, les gens de l'an 2670 ne retiendront de notre siècle actuel que les événements marquants : une époque avec une guerre nouvelle chaque année. Dresde bombardée : 250 000 morts en une nuit. Hiroshima détruite : 180 000 morts en un instant. Buchenwald et Auschwitz.
Dans sept siècles, tous discours oubliés, tous reportages ensevelis, de quels chefs d'État actuels les gens de l'an 2670 parleront-ils encore ? Et parmi ces chefs d'État de notre siècle, quel est celui dont l'auréole restera si vivace qu'en parlant de lui, on dira encore - sept cents ans après – « Le Saint » ?
Il y a des esprits inquiets, qui ne comprennent pas les Croisades et des âmes sensibles qui comptent les blessés de la bataille de Mansourah.
A l'époque d'Hiroshima nous sommes mal venus de nous ériger en Juges de l'Histoire d'avant-hier.
Avec sept cents ans de recul, que reste-t-il de cette époque qui n'avait aucune de nos techniques actuelles d'enregistrement ?
Malgré l'effritement de sept siècles que subsiste-t-il de ce chef d'État français mort en 1270 ?
Il reste Saint Louis, vivant.
Malgré la distance, malgré l'effritement inéluctable, comme il est étonnant, comme il est merveilleux de retrouver une telle figure aussi fraîche que ces enluminures lumineuses de ce temps-là...
Jean RODHAIN.