Le carnet de Sidoine. Sidoine et l'argent
Jean RODHAIN, « Le carnet de Sidoine : Sidoine et l'argent », Messages du Secours Catholique, n° 211, septembre 1970, p. 2.
Le carnet de Sidoine
Sidoine et l'argent
Interviewer. - Monsieur Sidoine, je désire vous interviewer ou sujet de l'argent remis au Secours Catholique.
Sidoine. - je suis incompétent, voyez trésorier.
I. - Je connais. Je connais aussi les rapports des Commissaires aux comptes. C'est en ordre obli-ga-toire-ment. C'est contrôlé. Donc ça ne m'intéresse plus. Mais derrière cette façade officielle, il y a les coulisses. Un sacristain travaille dans les coulisses. Voilà pourquoi, je m'adresse au sacristain Sidoine. Les histoires de quête, c'est vous.
S. - Je ramasse, j'épingle les billets, je fais les rouleaux de monnaie, je compte. Et j'oublie ensuite. Un point c'est tout.
I. - Je sais. Je devine. D'ailleurs les quêtes du Secours Catholique ça n'a lieu à l'église qu'une fois par an en novembre.
S. - Cette année le dimanche 15.
I. - Mais outre la quête, Il y a les donateurs, ceux qui sonnent à la porte : c'est vous, Sidoine, qui ouvrez. Ceux qui écrivent. C'est vous encore, comme sacristain, qui classez le courrier. Comment cela se passe ?
S. - C'est très simple. Celui-ci donne pour les sinistrés du Pérou. Celui-là envoie un chèque pour telle Micro-réalisation. La répartition est faite d'après les intentions du donateur.
I. Toujours ?
S. Non, Il y a des demandes insolubles. Celui-ci envoie 100 francs pour les enfants du Pérou, mais il veut que cela aille à la petite fille n°4 en partant de la gauche du troisième rang sur la photo du groupe des sinistrés parue dans le dernier numéro de « Messages ». Il est impossible de la retrouver et de la servir personnellement. Evidemment.
I. - Et si quelqu'un verse en mettant simplement « Catastrophes » ou « Sinistrés » ?
S. - Cela va au sinistre de demain. Si lundi matin il y a un télégramme de Konakry demandant un envoi de sérum antityphique on ne peut pas attendre le résultat d'un appel aux donateurs. Il faut que le lendemain mardi matin au plus tard, l'avion régulier de Konakry embarque au Bourget, sous emballage tropicalisé, maintenu à 5 degrés, un container de sérums. Pour opérer ainsi il faut évidemment une trésorerie en avance.
I. - Et si je me présente 106, rue du Bac et que je laisse un don, qu'est ce qui se passe ?
S. - On vous remettra un reçu et on vous demandera de préciser vers quelle destination vous voulez que ce don soit affecté : Tiers Monde? Prisons ? Vieillards ? Enfance abandonnée ? etc.
I. - Et si un jour j'apportais un don en déclarant que toutes ces questions ne m'intéressent pas et que je laisse la liberté totale d'affectation à « autre chose », qu'est-ce qui se passerait ?
S. - C'est un piège ?
I. - Pas pour vous Sidoine. Mais si votre patron se trouvait devant un cas semblable, que ferait-il, à votre avis ?
S. - Comme je le connais, il hésiterait longtemps. Et finalement je parie que votre don, il le consacrerait à l'information.
I. A quoi ?
S. Je dis bien à l'information. Les chrétiens dorment tranquille tandis qu'a deux pas de leur téléviseur, il y a une femme abandonnée avec trois bambins, tandis qu'au Pérou des villages entiers meurent de faim. Les chrétiens ont bon cœur, mais ils ne savent pas. Le Christ a passé des heures et des jours - les heures et les jours du Christ valaient plus que de l'or - à désigner les pauvres Lazares affamés sous l'escalier des insouciants.
Oui, votre chèque sans destinataire servirait peut-être à diffuser quelques vérités contrôlées, précises, à ceux qui ne savent pas.
I. - C'est de la publicité ?
S. - Non, c'est de la pédagogie. La première des Charités, c'est de crier la vérité.
I. - Où avez-vous appris cela ?
S. - Mon métier est d'allumer les cierges.
Pour voir clair.