Assurance-chômage : la protection sociale en péril
Véronique Fayet a co-signée, le vendredi 26 juillet, une tribune publiée dans Les Echos.
Il y a le fracas des grands discours et il y a les murmures des souffrances silencieuses. Qui entend ceux et celles qui se débattent avec peu ? Cette femme quittée, sans revenus, avec la garde complète de ses enfants ? Ce jeune homme qui devrait fêter avec joie ses 18 ans, mais qui les voit arriver avec angoisse ? Il était hébergé et soutenu depuis un an par l'aide sociale à l'enfance et va se retrouver à la rue, seul sans revenus. Ou bien encore cet homme isolé, interdit bancaire après avoir fait faillite, vivant dans sa caravane depuis deux ans, avec une maladie qu'il ne peut soigner car sans couverture santé ni revenu minimum. Une forêt de vies secrètes et abandonnées.
Au pied de l'échelle sociale, on vous fait porter la responsabilité de votre fragilité. Le gouvernement aimerait que vous ne soyez pas une charge et que vous retrouviez un vrai travail. Pour ne pas coûter un « pognon de dingue ». Pour espérer une retraite décente. Pour se payer une mutuelle convenable. Quels que soient votre âge ou vos compétences. Quels que soient vos désirs, vos aspirations et vos besoins. Même s'il en va de votre santé ou de votre vie sociale.
Coup de boutoir
Dernier coup de boutoir en date, la rigueur imposée à l'assurance-chômage représente une régression inédite des droits sociaux depuis sa création en 1958. Les maigres avancées de la Stratégie pauvreté sont réduites à néant. En restreignant l'accès à l'assurance-chômage (il faudra avoir travaillé davantage sur une période plus courte), en réduisant son montant, le gouvernement fait peser trois milliards d'euros d'économies budgétaires sur les seules épaules des chômeurs et des travailleurs précaires.
Selon l'Unedic, un million d'entre eux verra ses allocations diminuer. L'Etat parie sur un moindre recours aux contrats courts. Fort bien. Mais a-t-il mesuré le risque qu'il fait porter à des centaines de milliers de personnes, qui pourraient basculer vers les minima sociaux ? La solidarité a-t-elle volé en éclat ?
Message de confiance
Les chômeurs ne sont pas responsables d'un chômage qui reste massif. Ce n'est pas en sabrant l'assurance-chômage qu'on les incitera à travailler. Car on ne choisit pas le chômage, on le subit. Nous rencontrons chaque jour des personnes privées d'emploi qui se cognent à des portes fermées et n'ont plus que le repli sur soi et la honte comme refuges.
À ce moment de leur parcours de vie, elles ont surtout besoin qu'on leur dise que la société a toujours besoin d'elles. Elles ont besoin de possibilités réelles de réinsertion plutôt que de menaces d'exclusion. Elles ont besoin d'entendre que le chômage est un problème public et structurel et que nous avons collectivement fait le choix de mutualiser ce risque. Ce message de confiance seul peut stimuler l'envie, toujours présente, de contribuer à la société.
Cette écoute, cette confiance, les autorités savent en faire preuve à l'égard des entrepreneurs quand ils expriment leur peur de la taxation et des prélèvements obligatoires et leur souci de compétitivité. Pourquoi faudrait-il que des personnes vulnérables aient à crier et à se battre sans relâche pour ne pas perdre les droits pour lesquels elles ont cotisé ?
Nous avons besoin d'être réunis par nos institutions. La protection sociale en est la clé de voûte. Nos concitoyens y sont extrêmement attachés. Que ceux qui dirigent l'Etat écoutent les murmures des souffrances silencieuses et agissent en conséquence pour une protection sociale solidaire digne de ce nom.
Pour le Collectif pour une protection sociale solidaire : Emmanuel Bodinier, président d'AequitaZ, Pascale Caron, présidente du Réseau des Accorderies de France, Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique Caritas France et Claudie Miller, présidente de la Fédération des Centres sociaux et socioculturels de France. (une tribune publiée dans Les Echos le 26 juillet 2019,) .