L'engagement des jeunes : non plus une mise en oeuvre de la charité mais un lieu où la charité peut se découvrir
JEUNES : NOUVEAUX ENGAGEMENTS, NOUVELLE CHARITÉ
Croiser les regards pour chercher à comprendre à partir de l’expérience des jeunes les nouveaux enjeux de l’engagement et de la charité, c’est ce qu’ont fait une soixantaine de participants au colloque de la Fondation Jean Rodhain qui s’est tenu à Lourdes du 22 au 24 novembre 2019.
Comment rendre possible un réel partage et une réelle maturation commune ? Comment permettre que la relecture d’une dizaine d’expériences dont les jeunes présents ont témoigné et les réflexions académiques dans les champs sociologiques, psychologiques, théologiques ou bibliques, puissent réellement se croiser ? Comment écouter les harmoniques qui se dégagent de ces différentes interventions ? C’est peut-être là qu’était un des apports importants de ce colloque. Quelques éléments clés permettent de rendre compte de ce qui s’est passé. Le premier, c’est la convivialité et la participation du corps qui a permis de former un groupe de pairs par-delà les différences. Les laboratoires inter-générationnels ont également joué un rôle essentiel : après avoir beaucoup écouté, réfléchir à l’engagement génération par génération pour ensuite confronter les points de vue. Cette démarche a permis de dégager un savoir partagé.
Une première question qui a jalonné le colloque est celle de la nature de l’engagement. Les statistiques disponibles et les témoignages montrent la force de l’engagement des jeunes. Dès lors, comment comprendre le fait que celui-ci, contrairement à celui de leurs aînés, prenne la forme d’une succession d’expériences cherchant le plus souvent des résultats concrets. Cette diversité est tout le contraire d’une superficialité. En effet, la question écologique conduit à la recherche d’une cohérence de comportement qui concerne l’ensemble de la vie quotidienne et associative. Il faudrait donc plutôt voir dans cette diversité une manière de se construire et de se découvrir, une quête de sens pour soi et pour le monde, alors que les idéologies sont moins prégnantes. Il faudrait également y voir l’effet d’un sentiment d’urgence face à l’état du monde, un monde qu’il ne faudrait plus seulement transformer mais changer à tous les niveaux.
Si l’engagement consiste toujours à couper les liens avec le « père » pour prendre son autonomie, celui des jeunes d’aujourd’hui questionne les relations entre générations et ce à plusieurs niveaux. En premier lieu, la question écologique conduit à une forme inversée de relation entre les générations. Les jeunes se trouvent en effet en situation d’interpellation de leurs parents afin que ces derniers s’engagent à leur tour et adaptent leurs comportements. Les jeunes réveillent ainsi la conscience de leurs ainés de même qu’Abishag vient redonner vie au corps de David (1 R 1,1-4). De plus, dans un climat de défiance vis-à-vis des institutions, qui auraient failli dans leur responsabilité, et de retrait des idéologies, l’appel qui suscite l’engagement est plus celui des amis du même âge que celui des anciens, un appel plus horizontal, plus intra-générationnel.
Ces réflexions montrent à quel point la forme que prend l’engagement est tributaire de l’état du monde. Et l’une des caractéristiques du monde dans lequel ont grandi les jeunes d’aujourd’hui est qu’il est moins que par le passé marqué par la culture chrétienne. Dès lors, comment poser la question de la charité dans le sens chrétien d’un débordement de l’amour de Dieu pour les hommes ? Ce qui marque de ce point de vue dans l’expression des jeunes, c’est l’importance première de la relation dans leur engagement. Une relation qui englobe les différentes dimensions de l’homme : relation aux autres, y compris les autres les plus éloignés qui partagent une même planète ; relation à la nature ; relation à soi-même. Une relation qui consiste autant à se donner qu’à se construire. Peut-être peut-on lire dans cet engagement une charité en acte, une charité globale, une charité universelle parce que ne découlant pas d’un a priori idéologique ou religieux et qui peut donc être partagée avec tous. L’engagement ne serait alors plus la mise en œuvre de la charité, mais un lieu où la charité peut se découvrir, un lieu où le manque peut se révéler et se nommer, moyennant une prise de recul et une ressaisie de l’expérience.
Vincent Destival
Délégué général du Secours Catholique Caritas France
Secrétaire de la Fondation Jean Rodhain
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