Fratelli Tutti : commentaire de Mgr Delannoy, président du Conseil de la Solidarité de la Conférence des évêques de France
« Tous frères » ! C’est par ces deux mots, qui sont à la fois affirmation et défi, que s’ouvre la dernière encyclique du pape François « Fratelli tutti ». Affirmation que l’ensemble des hommes ne constituent qu’une seule famille : la famille humaine ; défi que les personnes et les peuples ont mission de relever en promouvant l’amitié sociale qui vise l’intégration de tous et notamment des pauvres, des opprimés, des migrants… Chacun, en lisant cette encyclique y trouvera des analyses qui le dérangeront peut-être mais qui, dans un même élan, susciteront ou stimuleront un engagement solidaire et fraternel auquel tout baptisé, et plus largement tout homme, est appelé !
Dérangés nous le sommes quand nous lisons l’analyse sans concessions à laquelle le pape se livre dans un premier chapitre intitulé « Les ombres d’un monde fermé ». Il faut réagir, tant au niveau des personnes que des institutions car non seulement en matière de fraternité notre monde ne progresse plus mais sur bien des points il est en recul. Afin d’éviter un pessimisme démobilisateur, nous pouvons lire avec attention l’analyse que le pape fait de la pandémie actuelle qui nous rappelle « que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble » (§ 32). Il ne nous reste plus alors qu’à emprunter les chemins d’espoir que le pape nous propose pour bâtir une société humaine et fraternelle.
Arrêtons-nous, tout d’abord, sur la méditation de la parabole du Bon Samaritain où nous reprenons conscience que chacun peut donner du temps, son temps, pour devenir proche de celui qui souffre. Ce don de soi est largement développé dans le chapitre trois par une réflexion sur l’amour qui nous invite à cultiver notre relation aux autres en dehors de notre groupe d’appartenance. C’est ainsi que l’amour devient universel. Il est également intéressant de lire les lignes consacrées à la solidarité, ce mot que nous employons tant et qui est ici présenté « comme vertu morale et attitude sociale, fruit de la conversion personnelle… » (§ 114). La solidarité pourra se déployer dans l’accueil, la protection, la promotion et l’intégration des personnes migrantes (chapitre 4).
Comment pourrait-il y avoir une véritable fraternité sans une réhabilitation du politique qui doit réguler et maîtriser la vie économique qui engendre de nombreuses inégalités ? (Chapitre 5). Pour ce faire, et dans un contexte de mondialisation, la maturation d’institutions internationales devient indispensable afin d’assurer le bien commun mondial. Comment, enfin, progresser dans la fraternité sans un dialogue persévérant et courageux qui « aide discrètement le monde à mieux vivre… » (§ 198). Sur ce chemin du dialogue la vérité et le pardon (chapitre 7) ont toute leur place, à condition de ne pas assimiler le pardon à l’oubli qui ne prépare aucunement un avenir fraternel. Celui-ci, par contre, peut s’appuyer sur la mémoire. « Nous ne devons pas oublier…. les faits historiques qui nous font honte d’être hommes … On ne progresse jamais sans mémoire » (§ 248 et 249).
Le chapitre 8 conclut cette encyclique en affirmant que les religions sont au service de la fraternité dans le monde en sachant que « la violence ne trouve pas de fondement dans les convictions religieuses fondamentales, mais dans leurs déformations » (§ 282).
Cette encyclique, dense et riche, qui reprend bien des enseignements du pape François se conclut par une invitation à regarder le bienheureux Charles de Foucauld qui voulait en définitive être le « frère universel ». Et le pape de conclure : « Que Dieu inspire ce rêve à chacun d’entre nous » !
+ Pascal Delannoy