La charité aujourd’hui
"La charité aujourd’hui", Peuple de Dieu (Vienne), décembre 1975, pp. 4-6.
La charité aujourd’hui
A qui s’adresse, en priorité, la Charité ?
Si vous employez l’expression « faire la Charité » on répondra que cette Charité-là s’adresse à ceux qui en ont le plus besoin actuellement : la liste est longue de ces misères criantes.
Mais j’ai horreur de cette expression « faire la Charité ». Je veux bien qu’on dise « faire du bruit » ou « faire du volume ». Mais la Charité n’est pas un objet à fabriquer ou à distribuer. C’est une vie. Alors dites « vivre la Charité ».
Dans ce sens, l’expression s’adresse, en priorité, à tous les chrétiens, quels qu’ils soient. L’Évangile les invite à croître en Charité. Et même celui qui commence à partager son superflu découvre que le Seigneur attend aussi le partage de son temps, et le partage de son cœur. La charité est un feu dévorant. Parce qu’elle est vivante. Aussi le Secours catholique répète : « Notre premier souci n’est pas de trouver 100.000 F, mais d’éveiller 100.000 cœurs. » La Charité véritable s’adresse à tous pour les gagner au partage...
La Charité n’a-t-elle point besoin d’être « dépoussiérée » ? Quel est donc, éventuellement son nouveau visage ?
Si la Charité était une statue en plâtre immobile dans la niche d’une cathédrale, elle aurait besoin, comme toutes les statues, d’un coup de brosse et d’un aspirateur à poussière.
Mais la véritable Charité n’est pas une statue immobile. C’est une vivante les cheveux au vent œuvrant dans les courants d’air de la vie quotidienne, aux prises avec de multiples travaux d’intervention et de partage. On n’amasse point de poussière à ce régime.
Si certains conservent dans leur mémoire de très vieux daguerréotypes datant du siècle dernier, c’est un devoir pour une Charité 1975 de présenter un autre visage. Un visage attentif à la télévision qui informe sur les situations du Tiers-Monde. Un visage éveillé aux besoins des nouvelles pauvretés. Un visage dont le sourire soit capable de comprendre la famille du prisonnier comme celle de l’immigré : il y a une manière de regarder qui permet de deviner les misères cachées sans les souligner ni les blesser. Cet accueil, cette attention ont sans cesse besoin de se raviver, de se rajeunir, de s’adapter.
Il y a eu en Avignon les frères pontonniers au service des voyageurs traversant le Rhône. Ils ont disparu pour faire place aux Ponts-et-Chaussées. Il y a eu les moines du Grand Saint-Bernard pour guider les errants dans les cols des Alpes, c’est fini aujourd’hui : il y a des besoins différents. Une Charité vivante doit s’adapter aux misères de l’heure.
En somme, pour vous, en novembre 1975, comment se présente cette Charité ?
Elle doit se présenter avec compétence. En 1975 il existe de multiples dispositions sociales que l’on ne peut ignorer. Devant des « cas » le premier devoir est de les guider vers le service compétent, de les aider à remplir le dossier efficace.
Elle doit surtout se présenter comme un reflet de l’Évangile : chaque verset évoque un geste concret, un service réel.
La Charité véritable est un reflet du Christ lui-même. Et c’est ici le secret du lien entre prière et Charité... nous sommes au cœur du mystère chrétien.