Pourquoi le Secours catholique fonde deux nouvelles cités-secours
"Coup double", MSC, n° 231, juin 1972, p. 1.
Coup double
Quand les chiffres se mettent en travers du paysage...
Ce touriste étranger admire les monuments illuminés de Paris et l’incomparable décor planté entre Notre-Dame et le Louvre. Devant la façade de l’Hôtel-Dieu, le touriste curieux demande combien les hôpitaux de Paris reçoivent de malades en une année : 425.000 malades. Il veut savoir la proportion de ceux qui viennent de province, on lui répond 12 %. Il note qu’en 1970, si on ajoute les établissements privés, il y a eu 60.000 malades de province soignés à Paris. Mais mon touriste de ce soir est médecin, il sait que la guérison d’un malade est facilitée par son moral. Un malade que sa famille éloignée ne peut visiter n’est plus dans un bon climat.
Et voilà mon médecin qui m’interroge sur ce qui est fait à Paris pour faciliter l’accueil des familles pauvres qui ne peuvent payer l’hôtel, mais dont la présence est réclamée par l’enfant malade. Mon médecin me cite les réalisations des pays étrangers. Mon médecin implacable me rappelle les récentes maisons familiales créées auprès des hôpitaux de Lille et de Bordeaux et devant ces succès il pousse la cruauté jusqu’à demander : « Pourquoi, quand on s’appelle « Secours Catholique », ne créez-vous rien de ce genre à Paris ? »
Je n’ose lui avouer que chaque semaine tantôt une association de malades, tantôt un groupe d’infirmières nous interpelle à ce sujet. Et que nous hésitons, car une telle fondation, c’est un gros risque à courir.
En avance de vingt ans
A peine délivré du médecin, me voici aux prises avec un sociologue. Il m’interpelle à propos de la Comète. « Votre Cité-Secours, rue de la Comète, était un prototype en avance de vingt ans. Je dis bien « était ». Au moment de sa création, avec ses services sociaux et ses agencements, elle a innové. Mais vous êtes dépassé. Il vous manque un complément essentiel aujourd’hui : vos services sociaux réussissent à trouver du travail à un certain pourcentage de travailleurs. Mais après l’embauche reste le problème de leur logement. Avant de réunir les fonds nécessaires à une location ou à un achat, beaucoup de travailleurs échouent dans les chambres d’hôtels coûteuses. Or, ici, vous êtes aujourd’hui en retard...
La formule des Foyers de Promotion leur procure une chambre, une salle de cuisine où chacun prépare son repas à sa guise, une salle de télévision, etc. Le Foyer de Rouen est une réussite reconnue. Votre Cité de la Comète a besoin maintenant d’une annexe de ce genre. Au moins quarante chambres avec Foyer d’accueil. Qu’attendez-vous pour vous mettre à jour ?
Nous attendons... parce qu’une telle fondation, c’est un gros risque à courir.
Opérations risquées
C’est un gros risque.
Mais toutes nos fondations, depuis la Cité-Secours de Lourdes jusqu’à chacune des réalisations des Délégations en province ont comporté un risque.
C’est chaque fois un risque : il faut trouver l’argent et le personnel, et ensuite gérer fermement la fondation...
Ne dramatisons rien : lorsqu’un jeune foyer prépare son premier berceau, il prend un risque réel. Lorsqu’on a autour de soi plus de 900.000 fidèles abonnés le risque d’une fondation est relativement bien moindre.
Alors si on risquait l’une au l’autre de ces deux nouvelles fondations ? Mais laquelle des deux ?
« Les deux à la fois » : telle a été la réponse du Conseil d’Administration du Secours Catholique lors de sa dernière réunion. Et il a décidé l’acquisition à Vanves, à deux pas de la Porte de Versailles, d’un vaste immeuble cédé par les Franciscaines Missionnaires de Marie.
Cette fondation nouvelle réunira sous le nom du ROSIER ROUGE une maison d’accueil de trente cinq chambres pour les familles venant visiter leur malade à Paris, et sous le sigle de COMETE II un hôtel de promotion de quarante chambres. Des services communs aux deux fondations permettront de travailler à frais réduits.
Sur qui compter ?
Pourquoi le « Rosier rouge » ?
Dans cette fourmilière parisienne chaque pan de mur est parlant dès qu’on veut bien gratter l’Histoire. En 1946 à Saint Pierre de Rome, Pie XII béatifiait une poignée de jeunes Sœurs missionnaires martyrisées en Chine en 1900. Où s’étaient-elles préparées aux missions et au martyre ? A Vanves : dans cet immeuble dont nous héritons. C’est une fondation marquée par ces martyres de la foi .
Saint François d’Assise, apprenant le martyre de cinq de ses religieux, les « protomartyrs » de l’Ordre franciscain, s’écria : « O Maison Sainte ! Tu as produit et offert au Roi du ciel cinq belles fleurs empourprées d’une odeur très suave... »
Voilà pourquoi cette fondation s’appellera « le Rosier rouge » en souvenir des cinq martyres.
Nous comptons sur elles...
Il n’y a pas que le Bangladesh. Il y a un autre tiers monde à notre porte.
Vous êtes saturés des phrases contestataires ? Voici un chantier qui - sans phrases - s’ouvre pour accueillir les plus pauvres. Cette double fondation concerne notre prochain immédiat, de Paris et de province.
L’acte d’achat a été signé la 15 mai. Les premiers ouvriers commencent les aménagements le 15 juin.
Cette double fondation et son équipement et sa gestion, est-ce un très gros risque ?
Oui, certainement.
Nous comptons sur vous.
Jean RODHAIN.