Une glaneuse
Jean RODHAIN, "Préface", in Françoise ESQUÉRRÉ, Comme une étincelle. La vocation sociale de l’Église, Paris, SOS, 1971, p. 9-10.
Une glaneuse
On passe cent fois sur le même chemin en longeant le champ de blé. On y passe si souvent qu’on n’y prête même plus attention. Il faut rouler vite aujourd’hui. Avant tout tenir la moyenne kilométrique : pas de temps à perdre.
La glaneuse, elle, qui doit pour nourrir les siens faire attention à chaque épi entrevu, découvre un nouveau détail à chaque pas. Courbée sur la glèbe elle mesure de près les menus trésors de la moisson : la paille et le grain. Et aussi le nid de la perdrix. Et le bleuet et le coquelicot.
On a évoqué cent fois le vaste champ de la doctrine sociale de l’Église. On chemine souvent le long de la bibliothèque où sont rangés les documents et les encycliques. On s’est habitué à cette moisson si complète.
Madame Françoise Esquérré est cette glaneuse qui, ayant vécu longtemps dans un pays en voie de développement, en contact avec la misère, regarde cette moisson avec une attention particulière.
Ayant découvert elle-même, puis enseigné la doctrine sociale chrétienne, cette glaneuse s’adresse ici à des non-spécialistes. En termes simples, elle exprime son angoisse en présence de tant de misères et de tant de richesses. Elle affirme aussi sa foi dans les orientations de l’Église : elle pense, avec le concile, que la communauté des chrétiens détient « des lumières et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la communauté des hommes selon la loi divine » (Gaudium et Spes 42 § 2).
Sur chacun des thèmes qu’elle aborde, madame Françoise Esquérré a lu tout ce qui a été écrit d’important par ceux qui font autorité dans l’Église en matière sociale, depuis les prophètes de l’Ancien Testament jusqu’aux plus récentes intervention de Paul VI et des évêques. Elle l’a lu « en direct » et non à travers les commentaires. Lectrice très sûre, elle a glané, sur chaque sujet, les textes qui comptent.
Peut-être la nouveauté de ces extraits n’apparaîtra-t-elle pas à ceux qui croient les connaître. Ceux qui les liront verront à quel point l’enseignement de l’Église met notre société en question et nous conteste nous-mêmes. Si ces principes devenaient vie, des solutions surgiraient.
Puisse la lumière qui se dégage de ce travail se communiquer à beaucoup, afin que se multiplient les ouvriers de la justice et de la charité pour la paix dans le monde.
Jean RODHAIN,
Prêtre,
Président de Caritas Internationalis.