Numéro cinquante
Jean RODHAIN, "Numéro cinquante", Prisons et prisonniers, n° 50, 2ème trimestre, 1961, p. 525-526.
Numéro cinquante
Voici « Prisons et Prisonniers » qui prend de l’âge en atteignant la cinquantaine.
Ce chiffre de 50 était considéré par Stendhal comme le sommet de la vie humaine (du moins l’écrivait-il à propos de ses 50 ans). Et au Moyen-Age on considérait ce nombre avec respect en raison des dimensions observées par Noé pour son arche : « sa largeur sera de 50 coudées » (Genèse, VI. 13).
Je préfère relire Duhamel : « J’appartiens à un peuple de paysans qui cultivent avec amour, depuis des siècles, 50 prunes différentes, et qui trouvent à chacune un goût délicieusement incomparable. » (Scènes de la Vie Future, XV, p. 231.)
Ces 50 brochures sont aussi différentes que les pruniers de Duhamel. C’est ce qui constitue la saveur de cette collection où la variété des sujets est cultivée avec amour et compétence par l’aimable responsable de ce verger : Mlle Céline Lhotte.
Mais comme un voyageur fatigué profite de la borne kilométrique pour s’asseoir dans l’herbe au signal de cette étape afin de regarder la route, je m’arrête ici un instant, mais pour considérer plutôt ceux qui cheminent avec nous.
Cinquante Numéros ont marqué cinquante étapes où chaque fois le groupe s’est agrandi.
Autrefois - il y a 30 ans - le monde des prisons était un monde secret et fermé. Les Stalags de 1940 puis les incertitudes de la liberté ont habitué le public et les journaux à parler des prisonniers. La presse et le cinéma ont vulgarisé (dans les deux sens du terme) le problème de la prison. Et au milieu de ces exhibitions et de ces bavardages, au milieu de ces bonnes intentions et de cette bonne volonté, les spécialistes de l’authentique service des prisons éprouvent de plus en plus le besoin de s’entretenir de leurs soucis. Laissant à des graves revues techniques le soin d’une indispensable documentation, Prisons et Prisonniers a cherché le ton d’une conversation qui ose se croire familiale. C’est la mise en commun d’expériences, mais à mi-voix, sur le ton de la confidence. Et il faut croire que chacun y trouve quelque réconfort puisque ce cercle de famille à chaque numéro doit s’entr’ouvrir davantage pour laisser place aux nouveaux abonnés. Continuons donc...
Il suffit de voyager à travers la mappemonde, et d’observer un peu pour constater combien tous les milieux, catholiques ou non, captifs ou non captifs, ont été frappés par le geste de S. S. Jean XXIII bousculant le protocole du Vatican pour aller aussitôt après son couronnement visiter la prison de Rome. Mais dès qu’on veut exposer au Souverain Pontife le retentissement de son geste, il réplique en expliquant le motif. Tout enfant, son bon oncle, pour avoir ramassé une branche de bois mort en forêt fut mis en prison. Il y resta fort peu. Mais l’humiliation fut ressentie par toute la famille. Le coup resta dans la mémoire du petit Roncalli. Et dans son cœur aussi. Maintenant ce grand Pape raconte ce souvenir à qui veut l’entendre pour expliquer sa sollicitude pour le prisonnier.
Que tous ceux qui ont ce petit coup au cœur quand il s’agit du prisonnier et de sa famille veuillent bien aider, vers ses nouvelles étapes, la caravane de « Prisons et Prisonniers »...
Merci.
Mgr Jean RODHAIN,
Aumônier Général des Prisons.