Lettre de David à propos des malheurs d’un géant embaumé
Jean RODHAIN, "Lettre de David à propos des malheurs d’un géant embaumé", MSC, n° 113, novembre 1961, p. 2.
Lettre de David à propos des malheurs d’un géant embaumé
Il n y a pas eu besoin de ma fronde cette fois-ci, mais seulement des « Funèbres Pompes » pour immoler ce fameux Goliath. Les barbares d’en face ont fait leur besogne eux-mêmes. Il leur a suffit d’un déménageur, puisque leur Goliath tant vénéré était depuis dix ans déjà embaumé.
Ces Barbares sont puissants. Ils ont des chars de guerre meilleurs que les Assyriens et des légions mieux armées que les Romaines. Leurs épées sont plus longues que celles des Philistins. Leurs cuirasses brillent au soleil et de conquérir un des astres du ciel ne les ferait pas hésiter.
Ce peuple est aussi laborieux. Ils forgent le fer mieux que les fils d’Ur en Chaldée, et leurs cultures sont aussi travaillées que les jardins d’Esdrelon.
Cette force et ce labeur seraient agréables au Tout-Puissant si ce peuple ne paraissait si lourdement idolâtre. Car ils vénèrent leurs idoles avec un culte plus adorant que les justes pour Jahvé. Et plus exclusif encore qu’autour de l’Arche Sacrée.
Et puis un beau soir, en leur camp rassemblés, ils changent l’idole, et chassent ses prêtres préférés : chacun des exclus est aussitôt aux branches du grand Thérébinthe exactement pendu.
Car leur inconstance va jusqu’à sacrifier en même temps que l’idole les hauts serviteurs jusqu’à hier louangés pour leur fidélité au dieu subitement déchu.
Maintes peuplades du Pont-Euxin et du Septentrion, qu’ils ont asservies, ont peine à rajuster leurs cantates et à distinguer leurs temples pour s’accorder à leur mythologie du jour.
Nos pères, dans leur Sagesse, craignaient ces géants trop puissants comme ce Goliath dont l’armure et les clameurs faisaient trembler tout Israël.
Mais dans leur sagesse aussi, nos pères, lorsqu’ils voyaient des rois enivrés ou des nations terrifiantes entreprendre un grand édifice et changer leurs idoles au milieu du labeur, et confondre leurs cultes en même temps que leurs propres langages, nos pères alors, ne tremblaient plus. Car nos pères, dans leur sagesse, s’en allaient au Saint Temple devant l’Arche, ils déroulaient ces parchemins où déjà, du peuple élu, l’histoire était préfigurée. Ils psalmodiaient les versets où se décrivait de Babel la construction, la tour élevée, la confusion et puis l’écroulement. Car les idoles faites de main d’hommes ne sont que changements et confusion, et nos Pères en leur sagesse ne tremblaient pas, car ils se fiaient au Seul Eternel.
David le jeune
P.P.C. : Jean RODHAIN.
Extrait de « La Croix » du 8-11-1961.