Les vœux de Sidoine
« Les vœux de Sidoine », Messages du Secours Catholique, n° 158, décembre 1965, p. 2.
Les vœux de Sidoine
Cette année-là, Pour la Fête-Dieu, M. le Curé avait bien fait les choses. Un reposoir de plus ajouté dans l’itinéraire de la procession. Pour les enfants de chœur, des aubes blanches à la place des soutanelles rouges effilochées. Plus de chants latins, mais des textes bibliques bien traduits et bien choisis. Et, à chaque traversée de quartier, des intentions de prières adaptées aux besoins de vie de chaque milieu.
Avant le départ de la procession, M. le Curé avait prononcé une homélie destinée à expliquer aux Paroissiens, suivant l’esprit du Concile, que cette procession n’était pas un acte de triomphalisme, mais un acte d’adoration.
Ce texte avait coûté beaucoup de travail à M. le Curé. Après une semaine pleine de préparatifs matériels, il avait dû consacrer presque toute sa nuit à cette remarquable homélie.
Maintenant, sous un soleil radieux, la procession s’avançait. On atteignait la Grande Rue avec son tapis de fleurs. La chorale se surpassait. Sous le dais doré, les mains jointes, M. le Curé pouvait être satisfait. Mais un je ne sais quoi d’inquiétude lui flottait dans le regard. Pourquoi donc les deux thuriféraires balançaient-ils leurs encensoirs avec un sourire de gamins facétieux ? Aurait-il oublié quelque chose parmi tant de préparatifs ?
On venait de traverser la place de la République. Et brusquement, en arrivant au pied du reposoir dix fois mieux réussi que l’an dernier, M. le Curé, les moins jointes, réalisa qu’en effet il avait oublié quelque chose : l’ostensoir avec le Saint-Sacrement.
Moi, Sidoine, sacristain depuis toujours, je témoigne que toute me vie je me souviendrai du chagrin de mon bon et cher Curé, ce soir-là.
A tous ceux qui, pour Noël, clouent des crèches, plantent des sapins, préparent le réveillon, emportent leur gros missel, je voudrais simplement proposer de ne pas oublier Celui qui est présent.
Présent dans l’Eucharistie.
Et Présent dans les pauvres, nos frères.
SIDOINE.
P.-S. - Une lectrice dont je ne peux déchiffrer l’adresse me demande audience afin de me léguer sa maison et sa vigne pour mes pauvres. Sidoine la remercie. Mais ma qualité de sacristain n’étant pas privilégiée par des décrets fiscaux, ma donatrice verra l’État prélever un droit de succession considérable.
En s’adressant à son notaire, ou directement au 106, rue du Bac, son héritage parviendra au Secours Catholique sans aucun droit, sans aucune taxe, car Il est déclaré d’utilité publique.