L'internationale de la Charité
Jean RODHAIN, « L'internationale de la charité », Messages du Secours Catholique, n° 21, décembre 1951, p. 1;8.
L'internationale de la Charité
Elle est enfin créée. Elle existe. Elle fonctionne déjà.
Pour deviner la joie du Secours Catholique Français, reportez‑vous aux premiers numéros de « Messages ». Dès 1944, alors que, dans Paris libéré, l'Aumônerie Générale des Prisonniers et Déportés envisageait son travail futur ; dès 1946, alors que le Secours Catholique en prenait l'héritage, un refrain revenait sans cesse : dans ce monde divisé, la charité doit « réunir », en se plaçant sur le plan international. Dans ce monde, où le téléphone et l'avion diminuent les distances, le tourisme et les affaires se sont adaptés aux liaisons rapides : il est temps que la charité dépasse la paroisse et le diocèse. Le Secours Catholique ne méritera ce titre que s'il provoque une organisation internationale de secours.
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Il était facile de nous répondre que la charité traditionnelle s'était fort bien passée jusqu'ici de cette fondation. Il était évident que des trésors de générosité n'avaient pas attendu un signal pour rayonner. Il est même certain que c'est en raison même de son caractère normal et spontané dans l'Église que l'activité charitable se fiait à l'Église pour s'adapter.
Cependant cette adaptation se trouvait à l'épreuve. Les secours aux camps de déportés venaient de prouver l'incohérence des initiatives catholiques, généreuses, mais dispersées. Auprès de l'O.N.U., toutes les activités se faisaient accréditer, alors que les charités étaient absentes : aucune organisation, ni nationale ni internationale, n'existant alors avec les conditions requises.
A l'appel du Secours Catholique Français, vingt-deux nations se réunirent à Paris en 1947 pour préparer un projet et des statuts sous la présidence de Son Exc. le Nonce apostolique.
Hier à Rome, pour la réunion constitutive, nous avons retrouvé les mêmes visages et des textes presque identiques. C'est pour toute la famille du Secours Catholique Français un immense réconfort.
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Il a fallu cinq ans pour mettre au point l'organisme. On dira un jour les multiples interventions de M. François‑‑Charles Roux, ambassadeur de France, président du Secours Catholique, pour proposer les résolutions à chacune des difficultés. Le Saint‑Siège a consulté N.N.SS. les Evêques du monde entier, ce qui a permis à Mgr Baldelli d'annoncer dans son discours d'ouverture : « Nous pouvons dire que les Révérendissimes Évêques du monde entier, ont jugé opportune et nécessaire la constitution d'une Organisation de Charité en approuvant le choix de Rome comme siège de l'Organisation. »
Le but de cette Organisation est précisé par l'article 2 de ses statuts. Elle doit :
Promouvoir la collaboration et la coordination des activités d'assistance et de charité à caractère national, en vue de leur meilleur rendement, sans porter atteinte à la physionomie et à la pleine indépendance des organismes adhérents ;
Constituer un centre d'Informations et d'Études pour toutes les questions qui se posent dans le domaine ci‑dessus mentionné, et en particulier pour l'élaboration de statistiques concernant tant les activités que les exigences des diverses nations et des diverses catégories sociales ;
Représenter, sur le plan international, les organismes catholiques de charité.
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La première assemblée générale constitutive a siégé à Rome, au Palais de la Chancellerie, les 12 et 13 décembre. Pour la France, l'assemblée des Cardinaux et Archevêques avait donné, mandat au secrétaire général du Secours Catholique d'y représenter les activités charitables.
Mgr Baldelli, président de la Commission Pontificale d'Assistance a été élu président. Mgr Rodhain représente la France au Comité exécutif avec comme suppléant M. Louis Devaux, administrateur du Secours Catholique.
Sur le plan national et sur le plan diocésain, ce nouvel Organisme va amener le Secours Catholique à travailler en liaison plus étroite encore avec toutes les activités charitables. Que ce « Messages » leur exprime notre joie d'être désormais davantage à leur service.
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"Nous sommes réunis ici par la volonté du Saint‑Père". Ainsi débutait l'allocution d'ouverture du président. Dans cette Rome, centre de la Catholicité, confluent de toutes les misères actuelles, le Comité exécutif du nouvel Organisme a réalisé quelle tâche immense lui est préparée.
Elle se réalisera dans la mesure où chaque paroissien prendra conscience qu'il est étroitement solidaire d'un monde qui s'unifie : « Dans une unité qui se fait, être une unité qui se veut »[1].
J.R.
[1] S. Exc. Mgr Feltin, conférence sur l'Eglise et la Paix.