Simplicité
Jean RODHAIN, « Simplicité », Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 18, juin 1948, p. 1.
Simplicité
Comme l’Évangile est simple. Alors que tant d’écrits de nos jours sont remplis d’analyses compliquées et de distinctions subtiles, alors que chaque revue (et même quelques unes de nos mouvements) scintille de phrases intelligentes et profondes ; l'Évangile n'emploie que des mots simples. Et c’est pourquoi il réussit auprès des enfants comme auprès des savants,
Des anges qui chantent dans la nuit. Une crèche. Un atelier. Des pains multipliés. Des malades guéris. Un bonheur éternel et une lourde croix, Un traître, une mort, et une vie.
Et lorsqu'on interroge le Seigneur sur les profondeurs de ses perspectives, les simples mots du « NOTRE PERE » sont sa simple réponse, il n’est point question de « Spiritualité incarnée » ou « d'Engagement dans le temporel ». Des mots simples, des gestes simples. Et ainsi l’Évangile dure à travers les siècles : simplicité divine.
Les comédies de Molière, les tragédies de Corneille et de Racine ne comportent ni développements métaphysiques, ni discussions de problèmes abstraits : ce sont de simples peintures de mœurs et de caractères. Aujourd'hui de tels sujets conduiraient nos auteurs contemporains à l'étude des stratifications psycho-patho-philosophiques de chaque personnage ; Molière, Racine, Corneille ont osé camper des personnages simples. C’est pourquoi ils conservent la confiance du public : simplicité humaine.
Un ami du « SECOURS » lui reprochait l’autre jour d'être trop « simpliste ». Mais c’est voulu. C’est volontaire. C’est opportun. C’est justement pour cela qu'il réussit.
« Tout arbre que je rencontre sur ma route semble avoir plus de réalité que Dieu, ne serait-ce que parce qu'il me force à l’éviter » (Guardini). Tant d’âmes souffrent ainsi de cette lenteur à deviner de Dieu, cependant plus réel et présent qu'un arbre. N’est-ce point parce qu’elles se font de Dieu, et de leurs relations avec Lui, une image si intelligente, si profonde, qu’elle en est compliquée à l’excès.
Les simples secours à la misère font descendre chaque homme des sommets métaphysiques vers ce chemin creux, encombré de paralytiques et d’aveugles et d’inquiets, ce seul chemin où chacun rencontrera finalement le divin Guérisseur qui y chemine inlassablement.
Que dans ses gestes, dans son objet, dans sa préoccupation, le secours reste « simple » comme L’Évangile.
Abbé Jean RODHAIN