Orientations pour le travail 1949-1950 dans les délégations du Secours Catholique
Jean RODHAIN, « Orientations pour le travail 1949-1950 dans les délégations du Secours Catholique », Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 33, octobre 1949, p. 5-8.
Orientations pour le travail 1949-1950 dans les délégations du Secours Catholique
Le travail du Secours Catholique est d'abord un travail éducatif.
Devant l’éternel objecteur guettant la délégation au coin de la rue pour la sommer de définir le Secours Catholique en une seule phrase précise, répondons en ouvrant l’Évangile.
Tantôt le Seigneur dévoile les mystères de l'insondable Trinité et parle de l’unité avec son Père, et en son Église.
Tantôt le Seigneur multiplie matériellement les pains à la foule, guérit les malades, et prépare lui-même le repas des apôtres.
Dans les deux cas, Il se définit lui-même ; et en deux modes divers Il résume la Charité.
Depuis trois ans le Secours Catholique a été connu du public sous son aspect matériel. Ses réalisations pour les berceaux et les vieillards l'ont accrédité. Continuant ce travail les délégations considèreront davantage en 1950 son aspect profond, et donc éducatif : c’est tout un lorsqu'il s’agit de Charité.
Le Christ c’est le pain partagé : ce partage à faire ce n’est point un philosophe qui nous le suggère, ni un journaliste, ni Jupiter, ni Karl Marx : c'est le regard sur la Croix continuée par l’autel. Le chrétien qui cherche son Dieu, le trouve immolé sur le Calvaire ou partagé dans l'Hostie. Ce partage est prenant. Dès qu’il veut s’approcher du Calvaire, il lui faut se donner. Et lorsqu'il veut recevoir le pain eucharistique, il tricherait s’il ne partageait point avec son frère qui s’avance avec lui. Les premiers chrétiens le comprenaient, et le proclamaient, qui allaient au Sacrifice les mains pleines : pain, vin pour le culte, fruits, huile, gâteaux pour les laïcs et les pauvres. L’Offertoire de la Messe antique était une offrande réelle. Les siècles ont monnayé cette offrande sous forme de quête en monnaie. Et à Nancy la Grand Messe du Congrès Eucharistique a confié au Secours Catholique l'honneur de remettre cette coutume à l’honneur. Ce n'était pas seulement un cortège pittoresque, c'était le geste véritable. Dans cinq ans on le trouvera banal parce qu'on l'imitera partout. La source et le sens de toute l'activité du Secours Catholique est dans ce pain partagé. Nous n’égalerons jamais les œuvres officielles, aux subventions formidables. Notre signe distinctif est cette source divine qui marque notre travail.
Dès l'instant où on n'invente pas une méthode humaine, dès l’instant où on cherche les gestes de l'Évangile, comment s’étonner que ces gestes soient éducatifs : ce sont les gestes du Pédagogue divin. Les quatre Évangélistes n'ont qu'un mot pour parler de Lui : le Maître. Et le Verbe enseigne l’humanité sans arrêt. A nous de ne pas faire écran à ce rayonnement pédagogique de la charité.
Se plaçant sur ce plan, la délégation voit sous son véritable éclairage les activités actuelles :
La Journée Nationale du 20 Novembre
Oui, il s'agit d'un enseignement. La messe de ce jour avec un sermon expliquant l'offrande, la quête participation au sacrifice eucharistique, est un enseignement dont les âmes tireront du fruit à chaque messe, par la suite elles comprendront le « pain partagé ». Elles auront mieux sous les yeux les misères des frères : enfants malheureux de la paroisse, enfants de Bethléem, etc...
C’est en ce sens qu’il faut « préparer » cet enseignement : visites au clergé, évêchés, prédicateurs.
C’est en ce sens qu’il faut alimenter cet enseignement : tracts, distributions de « Messages », affiches. La meilleure affiche sera celle qui sera composée par le délégué paroissial avec photos locales et chiffres des réalisations régionales.
Les Adhésions
Oui il s’agit d’enseigner.
Une adhésion, ce n’est pas 100 francs extorqués au hasard.
Adhésion, adhérer, adhésif = consentement allant jusqu'à coller au programme.
Donc contact, conversation, explication.
Et aussi écouter, utiliser les idées, les réactions de la personne adhérente. Le Secours Catholique c’est l'adhérent, avec son argent et ses initiatives qu'il apporte. Le tout ensemble ; et que le délégué sache susciter ce tout, et l’accueillir.
La Campagne
On dira : "Bien sûr on a compris, il s’agit d’enseigner au public l’existence d’une enfance malheureuse".
C'est évident, et c’est insuffisant.
Et les enfants heureux ?
Leur apprendre à se priver pour l’enfant malade. Leur faire deviner la situation des enfants abandonnés. Les associer à toute la campagne. N’est-ce pas plus éducatif qu'une conférence ou un film sur la charité ?
La Campagne 1949-1950 ne viendra pas simplement en aide à l’enfance malheureuse. Elle sera formatrice pour les autres enfants, dès que la délégation aura compris ce moyen d’éducation : la Charité.
Remarquons d’ailleurs que cette formation de l’enfance par l’exercice de la charité, aucun catéchisme n’en parle, et les traités d’éducation si prolixes sur la formation par les bonnes lectures ou les bons films sont curieusement muets sur cette pauvre charité.
Au centre même de la vie de l’Église
« Ah oui, le Secours Catholique s'occupe aussi, en plus, de Bethléem et de l'Année Sainte ».
Certains nous font cette remarque avec une lueur de compassion dans le regard. Comme si, à un attelage déjà bien lourd, on chargeait en plus, pendant qu'on y est, deux colis en surcharge.
Eh bien, non, le Secours Catholique refuse tous les mois deux ou trois missions nouvelles dont une autorité, une œuvre, ou quelque visionnaire veut le surcharger. Il n’a accepté Bethléem – ce cœur de l'Église - et l'Année Sainte - ce centre de l'Église - que parce que l'Église, par sa hiérarchie, lui a fait l’honneur de préciser combien ces deux charges rentraient dans notre mission.
Bethléem
Les fidèles aiment la crèche, mais ignorent qu'en 1949, 800.000 réfugiés sont sur le sable en Palestine, dont 52.000 aux abords de Bethléem. Faire connaître la misère de ces lieux, et des communautés françaises de Bethléem, c’est un travail d’enseignement. Ce sera le rôle des délégations. Le secours suivra lorsque les fidèles connaîtront. Ces secours, envoyés au nom des diocèses relèvent de l’organisme national créé par eux : le Secours Catholique.
Déjà trois délégations ont adopté des communautés de Bethléem… c’est un commencement...
Année Sainte
D’abord une des intentions dominantes fixées par S.S. PIE XII donne aux fidèles en 1950 le souci des œuvres de charité. Voyez le guide du Pèlerin édité par « Fêtes et Saisons » page 22 : « s’associer à la campagne du Secours Catholique c’est célébrer l’Année sainte ».
Ensuite pendant un an, journaux et pèlerins vont parler des fastes du Vatican, des cérémonies grandioses de Rome, de la joie légitime des foules à Saint Pierre.
Il faudra garder son bon sens pour se souvenir de la misère. Misère de la mère de famille qui ne peut pas quitter ses enfants. Misère de la foule entrant chaque matin à l’usine. Ce sera le rôle du Secours Catholique de le redire à temps et à contre-temps.
Et lorsque dix paroissiens seront prêts à s’embarquer pour Rome en songeant que le Pape propose la charité aux infirmes et aux malheureux, pourquoi ne pas commencer tout de suite ?
Pourquoi ne pas proposer aux dix voyageurs, et à toute la paroisse de se priver un peu, d’embarquer en plus deux malheureux et de partir à douze.
Voilà en quoi le Secours Catholique est à sa place dans l'Année sainte : il y joue un rôle éducatif.
Ainsi la Charité conduit à l'unité. Rome et Jérusalem sont dans les deux Testaments, symétriques. Et à l’appel du Chef de l’Église, le délégué du Secours Catholique qui secourt l’enfant du quartier, ou celui de Bethléem, travaille dans l’unité !
Faire avec des vues larges, un effort précis, et répété, et être certain d’aboutir.
Continuons.
Abbé Jean RODHAIN