Cité-Secours de Lourdes
Jean RODHAIN, « Cité-Secours, le seul regret », Messages du Secours Catholique, n° 71, octobre 1957, p. 4.
Cité-Secours
Le seul regret
Vous avez visité la Cité. Et je vous en remercie. Même par la pluie battante, j'ai vu certains d'entre vous monter à pied jusqu'ici et passer une heure entière de la Chapelle au réfectoire et d'une bergerie à l'autre. Vous avez vu le paysage, l'architecture. Vous avez apprécié la paix, le calme des 18 hectares, malgré le bruit des bétonneuses et du bulldozer. Vous avez vu comment chacun est accueilli. Vous avez remarqué mille concours venus travailler ici à la vaisselle ou bien au ménage.
Vous êtes reparti content. Vous avez vu votre don bien employé, l'architecture sobre, l'ambiance fraternelle.
Je n'ai qu'un seul regret : c'est de n'avoir pas pu vous conserver 24 heures.
Vous auriez entendu le matin à l'aube les oiseaux sous vos fenêtres. La Cité est un refuge pour eux, et nos bosquets en sont remplis. Vous auriez vu le jour se lever sur Lourdes endormi, avec les écheveaux de nuages traînant longtemps sur le gave, mais sans le bruit d'un magasin, ni la course des voitures. Et dès la première heure nos pèlerins descendant en silence vers la Grotte guidés - et parfois soutenus - par les Dames de Charité ou les petites Sœurs du Père de Foucauld.
Et le soir, quand Lourdes est encore tout bruyant de voitures et de groupes agités, le soir quand la Cité est calme au point qu'on la croirait endormie, vous auriez pu rencontrer dans les sentiers de la Chapelle ou sous les galeries des pavillons, nos hôtes. Vous auriez fait connaissance de ces gens simples, très simples. Dans une rue ils ne causeront pas. Dans un hôtel luxueux, ils ne se livreront pas. Mais ici, entre l'attelage des bœufs qui labourent et nos lapins qui trottent en liberté, ces gens se sentent chez eux. Et ils parlent. Et ils se confient. Ce sont de pauvres histoires. Ce n'est pas l'histoire de l'argent absent, non. C'est la simplicité d'un pauvre peuple qui n'avait pas eu ni le moyen - ni surtout l'occasion - de venir à Lourdes. Ce ne sont pas les mages. Ce sont les bergers. On apprend beaucoup à les écouter, en les écoutant ici, à la Cité.
Et mon seul regret, aimable visiteur, c'est que vous n'ayez pas eu le temps, hélas, de découvrir ce visage secret de la Cité Saint-Pierre...
J. R.