Le pape François encourage les entrepreneurs chrétiens à promouvoir justice et charité sociale
Le pape François encourage les entrepreneurs chrétiens à promouvoir justice et charité sociale
22 novembre 2018, message du pape François aux dirigeants d’entreprise réunis en congrès mondial
À l’occasion du congrès mondial de l’Union chrétienne internationale des dirigeants d’entreprise (Uniapac)[1] qui s’est déroulé du 22 au 24 novembre 2018 à Lisbonne (Portugal), le pape François a adressé un message en ouverture. Précisant que la mondialisation a eu un profond impact sur les perspectives, les objectifs et la manière dont un dirigeant conduit ses affaires, le pape François a tenu à rappeler « trois principes directeurs présents dans l’Évangile et dans l’enseignement social de l’Église ». «Le premier est le caractère central de chaque personne, avec ses capacités, ses aspirations, ses problèmes et difficultés ». Le deuxième souligne combien le « discernement économique, les objectifs à fixer devraient toujours être guidés par la règle du bien commun » qui indique « le chemin d’une croissance équitable ». Il encourage ensuite les entrepreneurs à ne pas « perdre de vue la valeur morale et économique du travail, qui est notre manière de coopérer avec Dieu ».[2]
Mesdames et Messieurs,
Je présente mes salutations cordiales à vous tous, chefs d’entreprise et dirigeants de la vie économique, qui vous êtes rassemblés pour le XXVIe congrès mondial de l’Uniapac intitulé Business as a Noble Vocation. Depuis son origine, il y a environ quatre-vingts ans, votre fédération a cherché à traduire en termes économiques et financiers les principes et les orientations de la doctrine sociale de l’Église à la lumière des temps nouveaux.
Le contexte actuel de la mondialisation de l’activité économique et des échanges a profondément touché les perspectives, les objectifs et la manière de conduire les affaires. Votre décision de réfléchir sur la vocation et la mission des dirigeants économiques et des entreprises est donc plus que jamais fondamentale. En effet, avec « l’intensification des rythmes de vie et de travail (…) les objectifs de ce changement rapide et constant ne sont pas nécessairement orientés vers le bien commun, ni vers le développement humain, durable et intégral » et peuvent même « détériorer le monde et la qualité de vie d’une grande partie de l’humanité »[3].
Au milieu de ces changements complexes, la fidélité à votre vocation et à votre mission exige que soit maintenu un équilibre délicat entre le fait d’embrasser l’innovation et une production de plus en plus compétitive tout en considérant le progrès à l’intérieur du plus grand horizon du bien commun, de la dignité humaine et d’un juste usage des ressources naturelles confiées à nos soins. Dans votre vie professionnelle, vous rencontrez fréquemment des situations où ces valeurs sont en tension et vous devez par conséquent prendre d’importantes décisions pratiques concernant les investissements et la gestion. C’est là qu’il pourrait être utile de rappeler trois principes directeurs présents dans l’Évangile et dans l’enseignement social de l’Église.
Le premier est le caractère central de chaque personne, avec ses capacités, ses aspirations, ses problèmes et difficultés.
L’Église a toujours réussi à faire de grandes choses avec de maigres ressources, comme pour rappeler que les résultats viennent de Dieu et non des hommes (cf. 2 Co 4, 7). Quand une entreprise devient une « famille », où la direction se préoccupe du fait que les conditions de travail servent toujours la communauté, les travailleurs deviennent à leur tour une « source d’enrichissement ». Ils sont encouragés à mettre leurs talents et leurs capacités au service du bien commun, sachant que leur dignité et leurs situations sont respectées et pas simplement exploitées.
En exerçant ce discernement économique, les objectifs à fixer devraient toujours être guidés par la règle du bien commun. Ce principe fondateur de la pensée sociale chrétienne éclaire et, comme une boussole, oriente la responsabilité sociale des entreprises, leur recherche et leur technologie, ainsi que leurs services du contrôle de la qualité, en vue de la construction d’une société plus humaine et fraternelle qui puisse « faire en sorte que les biens de ce monde soient plus accessibles à tous »[4]. Le principe du bien commun indique le chemin d’une croissance équitable où « des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus [sont] spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat »[5]. Ainsi, l’horizon peut s’élargir pour embrasser le monde entier et promouvoir une nouvelle mentalité politique et économique, ouverte à des valeurs plus élevées[6]. La vocation des entrepreneurs deviendra « un noble engagement » dans la mesure où elle est ouverte pour « se laisser toujours interroger par un sens plus large de la vie »[7].
Enfin, nous ne devons jamais perdre de vue la valeur morale et économique du travail, qui est notre manière de coopérer avec Dieu à une « création continue » qui hâte la venue du royaume de Dieu en promouvant la justice et la charité sociale et en respectant les deux dimensions, individuelle et sociale, de la personne humaine. La noble vocation des dirigeants d’entreprise sera évidente dans la mesure où chaque activité humaine deviendra un témoin d’espérance dans l’avenir et un encouragement à une plus grande responsabilité et préoccupation sociale à travers un sage usage, par chaque personne, de ses talents et de ses capacités. Comme la première communauté des apôtres, qui furent choisis pour accompagner Jésus sur son chemin, vous êtes, vous aussi appelés, en tant que dirigeants et chefs d’entreprise chrétiens, à entreprendre un chemin de conversion et de témoignage avec le Seigneur, en lui permettant d’inspirer et de guider la croissance de notre ordre social contemporain.
Avec tous mes vœux et ma prière pour que vos délibérations portent du fruit, je demande à Marie, Mère de l’Église, de vous soutenir dans l’espérance et dans une ouverture docile à l’Esprit, afin que vous puissiez être des instruments efficaces du Seigneur qui constamment « fait toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5). En vous donnant ma bénédiction, je vous demande, s’il vous plaît, de vous souvenir de prier pour moi.
[1] L’histoire de l’Uniapac remonte à 1931. À l’époque, la Conférence internationale des Associations d’entrepreneurs catholiques unissait les fédérations néerlandaises, belges et françaises avec des observateurs en Italie, en Allemagne et en Tchécoslovaquie. Sa fondation est advenue à l’occasion des quarante ans de l’encyclique de Leon XIII Rerum Novarum. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Uniapac a inclu en son sein d’autres pays européens et d’Amérique latine. En 1949, elle a pris le nom de l’Union internationale des associations patronales catholiques pour devenir en 1962 une association œcuménique, l’International Christian Union of Business Executives. (Source : Vatican News)
[2] (*) Version française de la salle de presse du Saint-Siège. Titre de La DC.