Hiver solidaire à Paris
Pour la 5ème année consécutive, des paroisses parisiennes ouvrent leurs portes aux sans-abris. La formation donnée aux bénévoles dit l’esprit de l’initiative.
Extrait de Paris Notre-Dame du 29 novembre 2012.
Hiver solidaire : une formation pour les bénévoles
Le 13 novembre, une réunion à St-Médard (5e) marquait le lancement d’Hiver solidaire 2012-2013. De plus en plus nombreuses à mener cette opération au profit des sans-abri, les paroisses sont heureuses de bénéficier des conseils de ceux ayant l’expérience de l’accueil de ces personnes. Rencontre avec Aurore de Montalivet, d’Aux captifs la libération, qui dispense une formation pour le diocèse, à N.-D. des Champs (6e).
P. N.-D. : Pour la deuxième année consécutive, vous proposez une formation de deux heures. De quoi s’agit-il ?
Aurore de Montalivet : Elle s’adresse aux personnes intéressées par Hiver solidaire en tant que bénévoles : qu’elles aient ou non de l’expérience dans l’accueil des sans-abri. L’année dernière, l’équipe organisatrice a senti une certaine crainte liée à une méconnaissance et à l’imaginaire véhiculé par la société sur les personnes de la rue, avec les problèmes d’hygiène, de folie, d’addiction, d’agression… Mon objectif est d’aider les participants à lever les préjugés néfastes à la relation et à se positionner dans la démarche d’Hiver solidaire. J’interviens dans un premier temps pour donner le cadre et puis réponds aux questions.
P. N.-D. : Quel message essentiel souhaitez-vous faire passer ?
A. de Montalivet – Mon but est d’aider les paroissiens à être davantage dans une relation de personne à personne, sans se focaliser sur les problèmes. J’aborde les phénomènes complexes qu’engendrent la vie à la rue pour qu’ils comprennent mieux l’intérêt d’un accueil simple et respectueux. Les bénévoles ne sont en effet pas là pour poser un diagnostic sur le sans-abri hébergé ou pour l’aider à guérir de toutes ses blessures, mais pour l’accueillir chaleureusement dans un espace normé et de liberté. Dans un premier temps, je balaie les raisons de l’anéantissement personnel, de l’apathie fréquente chez les personnes de la rue, tout en soulignant l’importance pour eux d’établir des relations. Dans un deuxième temps, j’insiste sur la nécessité de poser un cadre et de respecter la charte d’Hiver solidaire au niveau de la paroisse.
P. N.-D. : Pourquoi faut-il une charte ?
A. de Montalivet – Poser un cadre permet ensuite de se mouvoir librement dans un espace défini. Hiver solidaire doit permettre aux accompagnants et aux accompagnés d’établir une relation d’adultes à adultes : il ne s’agit pas d’entrer dans un rapport éducatif ou maternel. Respecter l’intimité et la liberté de la personne, favoriser une hygiène qui permette à tous de se sentir bien, valoriser le respect dans les deux sens, travailler en équipe, sont autant d’éléments qui me semblent incontournables pour le bon fonctionnement de l’opération et qui méritent d’être définis dès le départ.
P.N.-D. : Un autre point important à vos yeux ?
A. de Montalivet – Dans mon intervention, j’encourage aussi les bénévoles à travailler sur leur regard et leurs attentes. Cela leur permet de se libérer de leurs projections pour se rendre plus disponibles à l’autre tel qu’il est. Avant chaque rendez-vous, je les invite à prendre un sas au calme pour se mettre dans un état d’esprit d’accueil. Je conclus enfin en insistant sur le fait que nous ne sommes pas là pour être « des compagnons de misère mais des compagnons de lumière » et que nous sommes invités à donner le meilleur de nous-mêmes.
• Propos recueillis par Ariane Rollier
Le mot de…
Bertrand Cavalier, pilote d’Hiver solidaire au Vicariat pour la solidarité
« Cette année, cinq nouvelles paroisses se lancent dans Hiver solidaire, formule utilisée pour désigner l’accueil continu de personnes sans-abri dans une paroisse pendant plusieurs semaines ou mois. Si nous refusons d’être des spécialistes, nous nous rendons compte qu’à chaque fois que nous organisons des réunions d’information ou de formation avec le Vicariat pour la solidarité,nous suscitons une vive mobilisation. Les personnes viennent parce qu’elles sont heureuses d’entendre des témoignages, de partager leur expérience, d’être rassurées dans leur crainte, de rentrer dans une dynamique stimulante... Hiver solidaire, c’est aujourd’hui à Paris une centaine de personnes hébergées par 25 paroisses dans un esprit qui se veut avant tout familial. Le but n’est pas de faire du chiffre en termes de nombre de personnes accueillies, mais d’aider ces dernières dans leur cheminement, par un accompagnement humain. Ainsi, ces dernières années et au fil du temps, ce sont près de 10% des personnes accueillies qui ont pu prendre un chemin de réinsertion. » • Propos recueillis par A. R.
Cet article est extrait de l’hebdomadaire Paris Notre-Dame du 29 novembre 2012.