Article d'Olivier ABEL : "Penser le partage"
Texte d'Olivier Abel, théologien protestant, prononcé lors d'une université d'automne du Club Esprit civique fondé par le député NG Dominique Potier.
Extrait
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Pour redonner chance à chacun, redonner place dans le cercle, il faudrait d’abord faire admettre que nul n’est superflu, ou bien si on prend la chose plus théologiquement, que nous sommes tous superflus, dans la mesure où notre existence n’est ni notre mérite ni notre œuvre, mais où nous la recevons par grâce. Parce qu’au centre du cercle il y a ce qui n’appartient à personne, le cercle est sans cesse ré-ouvert au questionnement, au partage de la pensée, de la parole et du du savoir, aux partages de l’action, des œuvres et du travail humain.
On a donc toujours quelque chose à partager, à donner et à recevoir, et nul ne peut dire qu’il ne doit rien à personne : nous sommes tous mutuellement infiniment endettés, voués à la reconnaissance mutuelle et à une solidarité qui ne lâche pas les liens dès qu’ils se tendent et nous pèsent un peu. Le problème est que le moteur de la critique morale, politique, et sociale de nos sociétés est resté bloqué sur la position : « Vitesse de libération » ! Il fallait en effet une certaine accélération des déplacements, tant à l’échelle individuelle qu’à l’échelle collective, pour obtenir le déliement général des liens de servitude. Nous sortons de quatre siècles d’exodes et d’émancipation individuelle.
Mais si l’émancipation est une bonne réponse à l’encontre des servitudes, elle ne répond pas au problème nouveau de l’exclusion : pire, il est probable qu’elle le génère. Nous ne sommes sortis de la servitude volontaire, pour reprendre l’expression d’Étienne de La Boétie, que pour tomber dans la solitude volontaire, au nom même de la sacro-sainte réalisation de soi. C’est pourquoi il nous faudra désormais déployer, en contrepoint des valeurs toujours valables de l’émancipation, les valeurs de la fidélité, de l’attachement, de la solidarité. Il ne s’agit pas d’écarter les premières mais de les équilibrer et de les rythmer, de pouvoir aussi ralentir, et d’avoir au moins plusieurs vitesses, Car partout dans le monde et chez nous, trop grande est la tentation, au nom de la « libération », de déserter le monde commun, et de lâcher tous les liens.
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