Pauvreté en Allemagne dans le contexte de la solidarité et du soutien
Pauvreté en Allemagne dans le contexte de la solidarité et du soutien
La pauvreté, son apparition, ses répercussions et les moyens à proposer pour son élimination est un thème complexe. Il s’agit en réalité d’une situation qui comprend des aspects individuels, politiques, juridiques et sociaux. Pour cette raison, les considérations suivantes ne peuvent aborder que quelques aspects importants de la problématique. Elles proposent un panorama général sur la pauvreté et l’exclusion sociale en Allemagne.
1.
Parlons tout d’abord de la Définition de la Pauvreté qui est appliquée (République Fédérale d’Allemagne). Elle est définie comme « pauvreté relative ». Cette définition et s’appuie ainsi sur le décret du Conseil de l’Union Européenne du 19.12.1984. Je cite:
« Sur le seuil de pauvreté se considèrent toutes les personnes individuelles, familles et groupes de personnes qui survivent sur la base de moyens tellement limités (matériels, culturels et sociaux) qu’ils sont exclus du mode de vie considéré comme un minimum acceptable dans les États membres où ils vivent ». Comme « risque de pauvreté » est considéré le taux de 60 % de revenu moyen, selon l’échelle établie pour la population par OCDE. En 2015 ce revenu s’élevait à environ 942 €.
La description de « pauvreté relative » ne signifie pas qu’on puisse ainsi relativiser la pauvreté, la minimiser ou la refouler. D’un point de vue d’éthique sociale, la notion de « pauvreté relative » est liée étroitement à la question de justice. La « pauvreté relative » est un manque d’égalité proportionnelle entre les personnes. Sur la base de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, tous les membres d’une société sont dignes d’un traitement égal et de respect.
Cette affirmation se retrouve dans les réflexions du Pape Françoisdans son message pour la « 1ière Journée mondiale des Pauvres » le 19 novembre 2017:
Jusqu’à aujourd’hui ce but n’est pas encore atteint en Allemagne malgré les expressions claires et péremptoires et les fondements dans la Loi Fondamentale (Grundgesetz = Constitution): « La République fédérale d’Allemagne est un État fédéral démocratique et social » (Article 20, Alinéa 1 de la Constitution). Et plus loin : « La dignité de la personne est inviolable. En prendre soin et la protéger est le devoir de toute autorité de l’État » (Art 1, section 1 GG). Cependant on n’est pas arrivé à créer une base pour une vie avec une participation sociale adéquate pour toutes les personnes en Allemagne.
3.
La concrétisation de la Constitution se présente comme un grand défi pour la discussion politique et sociale. Quant au financement d’une « participation » importante dans le sens de la Constitution, on émet de plus en plus des soupçons que les personnes elles-mêmes seraient ‘coupables’ de leur destin et donc ne méritent pas l’appui de l’État ou d’autres organisations.
Dans le contexte de l’immigration des pays d’Europe Orientale et des réfugiés de nombreuses parties du monde, ces questions sont régulièrement soulevées. L’aspect de la solidarité, de l’amour du prochain, et de la justice provoquent peu d’attention et de considération dans la discussion générale. Ce sont uniquement les organisations caritatives, les Églises et de petites initiatives de différents projets sociaux qui essaient d’attirer le regard sur la misère et les besoins des personnes qui viennent chez nous. Ici je voudrais citer comme exemple l’Archevêché de Cologne dans lequel je vis. Il a montré un signe encourageant avec son « Action Nouveau Voisin ». Le message: « Des hommes qui par nécessité se sont enfuis, méritent notre cordiale bienvenue » reconnait une situation de fait et n’est pas abordé selon la question de la ‘faute’ ou des coûts.
4.
On peut ainsi lire sur la website de «Caritas Cologne» la déclaration «Les réfugiés sont nos nouveaux voisins». Je cite: « Il y a des gens de toutes les parties du monde, du Moyen Orient, d’Europe Orientale et d’Afrique qui arrivent chez nous. La guerre, des catastrophes, la persécution et une pauvreté endémique les ont obligés à fuir. Des expériences et des destins horribles pavent leur chemin jusque chez nous. Leur fuite a été dangereuse et pour beaucoup mortelle. Des familles ont été déchirées. Nous voulons aider ces gens avec l’action Nouveau Voisin. Notre Archevêque de Cologne a créé cette action en novembre 2014. Le but de l’action est de promouvoir une culture de l’accueil et l’intégration des réfugiés dans l’Archevêché de Cologne, de sensibiliser d’avantage la conscience des besoins des réfugiés tout comme de former un réseau de tous les acteurs et initiatives de l’Église ou en dehors de l’Église. Nous croyons donc que nous pouvons créer une nouvelle culture d’accueil pour les réfugiés en Allemagne. Nous croyons alors que la compassion, l’acceptation, et la disponibilité continue à aider les réfugiés lorsqu’ils arrivent au sein de notre communauté. Nous espérons que le contact et l’échange font en sorte que les étrangers deviennent des voisins, qui reconnaissent l’Allemagne comme leur patrie. De très nombreuses personnes s’engagent déjà pour les réfugiés dans nos communautés Pour eux on a créé cette action. Pour aider ceux qui veulent aider les réfugiés. Faisons en sorte que comme individus, comme chrétiens nous soyons capables de souhaiter la bienvenue à nos nouveaux voisins. À partir de l’Évangile et de la doctrine sociale chrétienne la tâche s’impose qu’en tant qu’Église catholique nous nous engagions pour les indigents, les personnes menacées et donc aussi pour les réfugiés,
- afin que les réfugiés puissent bien vivre dans notre Archevêché de Cologne, nous voulons créer une structure d’accueil pour toutes les personnes au sein de nos communautés.
- Nous soutenons, mettons en réseau et faisons la promotion des nombreuses personnes qui aident les réfugiés dans l’Archevêché de Cologne et nous présentons leur travail dans la sphère publique.
- Nous soutenons aussi les réfugiés lorsque nous nous engageons publiquement en faveur d’une politique qui respecte leur dignité. »
5.
Quelques faits importants sur la situation générale en Allemagne : Le risque de pauvreté a augmenté ces dernières années malgré la bonne situation conjoncturelle et une diminution du chômage. En 2015 il y avait en Allemagne 16,1 millions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, soit presque 16% de l’ensemble de la population. S’il n’y avait pas de système de sécurité sociale, c’est-à-dire sécurité de base pour les personnes âgées, sécurité de base pour les chômeurs, salaire minimum, sécurité pour les malades, le taux des gens qui ne pourraient pas vivre de leurs entrées et seraient donc pauvres, serait bien plus élevé.
6.
Particulièrement concernés par le risque de pauvreté sont: Les chômeurs (57,6%), les familles monoparentales (41,9 %), personnes sans appartenance de citoyenneté Allemande (32,5 %), les peu qualifiés (30,8%), les personnes issus de migration (26,7%), des personnes vivantes seuls (25,6 %), des familles avec trois enfants ou plus (24,6 %), enfants (19 %).
Un groupe particulier de personnes pauvres est celui des SDF, qui vivent dans la rue. Ici il n’y a pas de statistique mais seulement une estimation sommaire. Il en résulte qu’en 2014 environ 335.000 personnes étaient sans logement. Selon cette même évaluation, en 2014 environ 39.000 personnes vivaient dans la rue, sans aucun revenu.
7.
Quelles prestations de base de l’État y a t’il ? Des gens qui vivent de l’assurance de base pour les chômeurs ou de l’assurance de base pour la vieillesse ou du salaire minimum, obtiennent sur requête et après preuve de l’indigence, par mois (données concernent l’année 2017) le suivant :
Isolés 409 €
Partenaires adultes 368 €
Enfants 0-6 ans 237 €
Enfants 6 – moins de 14 ans 291 €
Enfants 14 – moins de 18 ans 311 €
Cette règle de 409 € existe pour les personnes seules. Des enfants et des couples reçoivent moins de prestations. Ce montant de 409 € se base sur les conditions suivantes:
Alimentation et boissons non alcoolisées 145,20 €
Temps libre, divertissement, culture 45,15 €
Communication d’informations 36,12 €
Vêtements, souliers 34,36 €
Habitation, énergie, manutention 34,19 €
Aménagement, électrodomestiques 31,00 €
Autres biens et prestations de service 29,94 €
Transport 25,77 €
Santé 17,59 €
Hospitalité, hôtes 8,10 €
Formation 1,55 €
S’y ajoutent encore les dépenses pour logement et chauffage.
Pour les personnes qui se sont réfugiées valent les règles établies par la «Loi de Prestation d’Asile». Il est aussi prévu que les personnes qui vivent dans des logements communs, cuisinent et administrent des biens ensemble peuvent ainsi subir un retrait de 10%.
Il est clair qu’en dehors de l’ «Action Nouveau Voisin» Il n’existe pas d’action de bienvenue ou d’intégration comme guidance ou direction. Les soins de santé aussi ne s’offrent qu’en cas d‘urgence, de telle sorte que fréquemment les associations bénévoles (Chevaliers de Malte etc.) s’en chargent et assument les soins.
Depuis quelques mois, il se fait que pour ceux qu’on appelle « réfugiés économiques » des États d’Europe Orientale et qui ne peuvent exercer aucun travail en Allemagne ou seulement dans des périodes limitées, on ne fournit plus de prestations d’aide. Ces gens sont donc dépendants de la charité de la population et de plus en plus vivent sur la rue. Pour ces personnes et aussi pour ceux qui restent Illégalement en Allemagne la situation de vie est précaire. Les Églises et les Organisations de Droits de l’Homme insistent en permanence sur les offenses contre les Droits de l’Homme.
8.
Le rôle des Églises: La Caritas lutte déjà depuis des années pour l’élimination de la « Loi sur la Prestation d’Asile » et pour la définition que l’Allemagne est un pays d’immigration. Malheureusement, sans succès jusqu’à aujourd’hui.
En principe, on peut constater que l’Allemagne, comparée à d’autres États Européens, s’en tire relativement bien. Elle dispose de peu de chômeurs et souvent s’appuie sur une relative stable assurance sociale. Par ailleurs, en ce qui concerne les chiffres de pauvreté en comparaison avec l’Europe, elle occupe une position moyenne. L’Allemagne est souvent critiquée aussi bien par l’UE que par l’OCDE parce qu’elle fait trop peu pour offrir des chances égales de formation aux enfants. On critique également le fait que le secteur de salaire minimum est trop répandu et que les travailleurs ne peuvent pas vivre de leurs revenus et sont dépendants de prestations supplémentaires de l’État. L’État finance ainsi la richesse croissante de quelques-uns.
9.
En conclusion : Pour l’Allemagne, on perçoit - sur base de ces données - que le bilan des luttes contre la pauvreté et de l’assurance des conditions de vie pour un grand nombre de citoyens et pour la majorité des réfugiés n’est ni optimal ni satisfaisant.
Si l’on observe la culture de l’accueil de l’Église et les aides petites ou grandes de la Caritas, de l’Église Protestante et des volontariats, on constate souvent que la solidarité s’y creuse une voie. Mais cela ne suffit pas pour créer des relations plus justes en Allemagne.
On a certainement besoin d’un processus plus ample et plus participé pour assurer des rétributions minimum plus élevées et des logements qui soient payables.
Étant donné que le populisme de droite augmente, il est absolument urgent et nécessaire d’affirmer la solidarité fondamentale chrétienne - surtout avec les étrangers et les refugiés – et d’avoir le courage de se manifester personnellement en faveur de la solidarité.
Hermann Schalück
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